A l'entrée, le président de la commission sociale de l'APC, des bénévoles et deux policiers en faction tentent de faire régner la discipline dans la file d'attente qui grossit au fur et à mesure que la rupture du jeûne approche. Au troisième jour du Ramadhan, le réfectoire du lycée Azza-Abdelkader (ex-Laperrine) est, comme chaque année, pris d'assaut par des dizaines de jeûneurs démunis. Ils sont pour la plupart jeunes, sans domicile fixe ou immigrants clandestins venus de lointains pays subsahariens. Lundi, 19 heures. Le réfectoire du lycée, qui abrite le seul « resto du cœur » ouvert cette année par la municipalité, grouille de monde. On y sert près de 200 plats par jour. A l'entrée, le président de la commission sociale de l'APC, des bénévoles et deux policiers en faction tentent de faire régner la discipline dans la file d'attente qui grossit au fur et à mesure que les minutes s'égrènent et que la rupture du jeûne approche. Loin des regards indiscrets, une douzaine de femmes voilées accompagnées d'enfants en bas âge se mettent autour d'une grande table au fond de la salle. « Mon mari est décédé il y a trois ans et, de temps à autre, je travaille comme femme de ménage chez les gens. Ce que je gagne comme argent ne me permet même pas d'acheter du lait et du pain à mes enfants, donc je viens manger ici le mois de Ramadhan », confie timidement Naïma. Kamel, la trentaine, quelque peu naïf, est originaire d'une ville de l'Est du pays. Il a débarqué à Sidi Bel Abbès, il y a quelques semaines, en quête d'un boulot dans l'un des restaurants de la cité. « Certains jeunes sont agressifs et n'hésitent pas à vous piquer votre morceau de viande. Heureusement qu'il y a des policiers à l'entrée », explique-t-il. « Ici, des gens de milieux divers se côtoient et depuis le début du mois de ramadhan il n'y a pas eu de grands problèmes. Ceux qui viennent manger ici n'ont vraiment pas où aller et ne constituent qu'une partie infime entièrement laminée par la pauvreté », selon un jeune bénévole. Selon lui, certains pères de famille se contentent de quelques denrées alimentaires (pain, lait et h'rira) et préfèrent emporter le tout chez eux. « Ils viennent une demi-heure avant l'adhan et repartent aussitôt après. Généralement, ils rentrent par la porte de derrière pour ne pas être vus », poursuit-il. Le menu préparé, en ce lundi, au resto du cœur comporte des dattes en entrée, l'indétrônable h'rira, du poisson blanc au riz, une limonade et une poire en guise de dessert. « La municipalité a déboursé cette année 200 millions de centimes pour assurer la restauration au niveau du lycée Azza », signale M. Delli, président de la commission sociale qui compte en ce mois sacré sur l'apport effectif des traditionnels bienfaiteurs et donateurs de Sidi Bel Abbès. Il ne désespère pas, d'ailleurs, de voir les bienfaiteurs se mobiliser pour améliorer les repas servis quotidiennement aux plus démunis. « Toute aide est la bienvenue », dit-il. 19 h 44, un lourd silence pèse désormais dans le réfectoire bondé de monde. Une voix s'élève au loin… Celle du muezzin annonçant la rupture du jeûne…