C'est aujourd'hui que s'ouvre, à Alger, le procès en appel de l'ancien PDG de la Compagnie nationale algérienne de navigation (CNAN), Ali Koudil, et de ses quatre proches collaborateurs, Mohand Amokrane Amour, Kamel Ikhadadène, Salah, Zaoui et Mustapha Debah. Condamnés en première instance à 15 ans de réclusion, les accusés ont été rendus responsables du naufrage, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2004, du navire le Béchar et de la mort de 16 membres de l'équipage, ainsi que de l'échouage du vraquier le Batna, dans les eaux du port d'Alger. Programmé pour le 11 mars dernier, le procès a été renvoyé après que les avocats eurent soulevé un vice de forme lié à la composante du tribunal. En fait, le magistrat présidant l'audience, M. Belkherchi, ne peut juger l'affaire du fait qu'il a eu à la traiter en tant que membre de la chambre d'accusation. Ce qui constitue, selon les avocats, une «violation flagrante» des articles 262 et 264 du code de procédure pénale. Le tribunal n'a, au début de l'audience, pas pris en compte ce vice de forme. Néanmoins, il a renvoyé l'affaire après que certains accusés, dont les avocats boycottent ses audiences, eurent refusé la désignation d'office d'une nouvelle défense. Pour l'ensemble des robes noires, le tribunal a trouvé «une bonne sortie» pour éviter de bloquer le déroulement de l'audience, d'autant plus que certains avocats n'avaient pas écarté la possibilité d'un boycott du procès. Néanmoins, tout le monde s'attendait à ce que l'affaire ne soit pas donnée à M. Belkherchi. Sa désignation en tant que président du tribunal a étonné plus d'un. Des rumeurs sur un changement qu'aurait opéré le président de la cour ont circulé ces derniers jours dans les couloirs de la cour d'Alger, mais son nom n'a, jusqu'à hier en fin de journée, pas été enlevé de la liste inscrite sur le rôle des affaires. Si M. Belkherchi revient à la tête du tribunal pour juger l'affaire, il est certain que Koudil et d'autres accusés se retrouveront sans avocats. Ces derniers ne plaident plus devant ce magistrat depuis des mois. Par leur action, ils dénoncent «les atteintes aux droits à la défense» imputées au magistrat. En tout état de cause, le procès des cadres dirigeants de la CNAN promet d'être révélateur dans la mesure où, lors du premier jugement de l'affaire, de nombreuses interrogations sont restées en suspens. La plus importante est liée à la responsabilité ou non des cinq cadres dans la mort des 16 marins. En effet, pour tout le monde, la CNAN n'a aucun lien avec le secourisme au port d'Alger, une mission qui relève exclusivement, faut-il le rappeler, du Centre national des opérations de secours et de sauvetage (Cnoss) dirigé par un officier de la Marine nationale et composé des différents intervenants du port d'Alger. Or, dans cette affaire, aucun de ces derniers n'a été impliqué. Tout comme d'ailleurs pour le propriétaire de la flotte, en l'occurrence le holding Gestramar, et le ministère des Transports, en leur qualité d'armateur et donc propriétaire des navires. Autant de zones d'ombre qui méritent d'être éclairées pour lever le voile sur cette terrible tragédie qui a plongé les familles de 16 marins dans le deuil à la veille de l'Aïd. Les victimes, faut-il le rappeler, se sont débattues pendant de longues heures, sous le regard médusé des Algérois qui suivaient de loin la scène, avant de couler à bord de leur navire. Tous leurs appels au secours sont restés vains, du fait, avaient justifié les autorités, de la forte tempête qui balayait la baie d'Alger, soulevant des vagues de près de 10 mètres. Pourtant, beaucoup estiment que les victimes auraient pu être sauvées si les opérations de secours, censées être lancées par le Cnoss, avaient été menées à temps et avec les moyens nécessaires. Mais cela n'a pas été le cas, malheureusement.