De lieux de recueillement et de ferveur, les cimetières auront été transformés, l'espace d'une matinée, en véritables zones d'activités commerciales. En effet, les nombreux citoyens qui, à l'occasion des fêtes de l'aïd, s'étaient rendus dans ces lieux de dévotion et de piété que sont les cimetières, ont été à la fois surpris et profondément choqués de constater que ces endroits auront été totalement déviés de leur vocation originelle. Partout, et pas seulement au niveau des chemins d'accès, comme cela se faisait auparavant, des commerçants jeunes et moins jeunes n'hésitent plus à squatter le moindre passage à travers les alignements de pierres tombales pour s'adonner à une activité lucrative. Ceci en toute quiétude et sans qu'aucune autorité ne vienne y mettre un terme. Si bien que de nombreux visiteurs ne pourront accéder aux lieux de recueillement où reposent leurs proches qu'après avoir affronté l'offense et l'irrespect. Le phénomène est fortement accentué au niveau de certains cimetières villageois qui seront totalement squattés par ces vendeurs sans scrupules qui proposent toutes sortes de victuailles. Ce qui incitera nombre de citoyens à différer cet instant de communion matinale avec leurs chers disparus. Préférant repasser en fin de journée à la recherche d'un instant de quiétude qui sied à ces visites familiales empreintes de recueillement et de méditations. Même les traditionnels lecteurs de versets coraniques seront débordés par le flot de ces vendeurs hirsutes. Habituellement, les familles n'hésitaient pas à leur donner une petite pièce contre la récitation de quelques versets sur la tombe de l'être cher. Désormais, ils devront compter avec ces resquilleurs sans vergogne, prêts à toutes sortes de subterfuges pour tirer profit de la détresse et du recueillement des autres. Ainsi, partageant les rares espaces avec les misérables mendiants, ces commerçants sans vergogne poussent parfois l'effronterie jusqu'à se faire accompagner de radiocassettes d'où ils laissent jaillir musiques et chansons dont l'outrage le partage à l'avanie. Un bien triste sort que celui de ces nombreuses familles, qui par respect aux lieux, n'osent pas encore s'en prendre à ces malfrats.