Les Français soutiennent en majorité le mouvement contre la réforme des retraites. La réforme des retraites en France apparaît de plus en plus comme une réforme à haut risque. Le mouvement de rejet qui l'entoure a pris une nouvelle dimension avec l'entrée en scène des jeunes. Manifestations de lycéens et d'étudiants, grèves reconduites dans les raffineries et certains services publics, perturbations dans les transports, surtout à la SNCF : la contestation contre la réforme des retraites s'est poursuivie, jeudi et vendredi, dans l'attente des manifestations organisées à l'appel de l'intersyndicale dans toute la France, aujourd'hui et mardi prochain, veille du vote du projet de loi au Sénat. L'intersyndicale, qui se réunira à nouveau le 21 octobre pour décider des suites à donner au mouvement, demande, dans un communiqué, aux sénateurs de «ne pas adopter cette réforme injuste». Dans les raffineries, la grève reconductible, entamée depuis mardi et qui touche la plupart des sites en France, commence à inquiéter le patronat routier. La FNTR, l'une de ses principales organisations, a ainsi obtenu jeudi, selon son délégué général Jean-Paul Deneuville, un accord du ministère de l'Industrie sur le déblocage des «stocks de réserve» pour le transport routier de marchandises. L'Union française des industries pétrolières (UFIP), qui craint une pénurie dès le 20 octobre, a réclamé, elle aussi, le déblocage des stocks de réserve des distributeurs et l'importation de carburant pour les transporteurs routiers, ce que le gouvernement a autorisé. Ces réserves «représentent entre dix et douze jours de consommation», selon le secrétaire d'Etat au Transport, Dominique Bussereau, qui a répété, jeudi, que la France ne connaîtra pas de pénurie. Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, a affirmé que le déblocage des dépôts de carburant par les forces de l'ordre n'est pas «la méthode qui permettra de sortir de l'impasse sur la réforme des retraites». Selon le leader de la CGT, l'objectif «en soi» des mouvements de grève, notamment dans le secteur de l'énergie, n'est pas de stopper l'activité économique, mais «d'obtenir des discussions pour un autre avenir de nos retraites». «Il va bien falloir que le gouvernement aborde le fond du problème (...) Je vois bien qu'il s'efforce aujourd'hui d'entretenir à la fois la polémique, voire un climat qui n'est pas bon, c'est lui qui tend le climat dans le pays», a-t-il ajouté. «Ce mouvement est durablement ancré dans le pays», a assuré M. Thibault. Au Parti socialiste, on estime que le pouvoir joue «le pourrissement». Martine Aubry a évoqué la possibilité «d'affrontements». La première secrétaire du PS a appelé, jeudi, le président Nicolas Sarkozy à «suspendre le débat» sur les retraites en cours au Sénat. «La France ne veut pas de cette réforme. Je m'adresse au président de la République : je lui demande de suspendre ces discussions au Sénat, mais aussi de mettre aussitôt les syndicats autour de la table, de remettre tout à plat», a-t-elle déclaré lors de l'émission «A vous de juger» sur France 2. «Il faut une réforme des retraites, on est tous d'accord. Pour la faire, il faut discuter, il faut négocier et il faut surtout la justice», a-t-elle dit, en appelant le gouvernement à «ne pas jouer la politique du pire». «Nous voulons une bonne fois pour toutes régler ce problème des retraites», a insisté Mme Aubry, qui a promis une discussion avec les syndicats pour refonder la réforme des retraites, si la gauche accède au pouvoir en 2012. De son côté, le gouvernement campe sur sa position. Dans un entretien dans La Croix, le ministre du Travail, Eric Woerth, a réaffirmé qu'il n'y aurait plus de «changement structurel» du projet, maintenant à «son point d'équilibre», même si des «modifications» restent possibles lors du débat parlementaire. Nouvelle donne : la participation des jeunes à la contestation. Cette mobilisation, qui va en s'amplifiant, est au cœur d'une polémique entre la majorité et l'opposition. Comme la vingtaine de mouvements de jeunesse réunis dans le collectif «la retraite, une affaire de jeunes !», l'UNL mais aussi la FIDL, deuxième organisation lycéenne, appellent à participer aux manifestations de mardi prochain. La FIDL a appelé à une action «ni bambins ni pantins» hier à 11h devant l'hôtel Matignon. Les manifestations lycéennes de jeudi ont donné lieu à une série d'incidents plus ou moins graves. Le plus grave s'est déroulé dans la matinée, à Montreuil, où un lycéen a été blessé au visage par le tir de flash-ball d'un policier. Les Français soutiennent en majorité le mouvement contre la réforme des retraites et les deux tiers d'entre eux pensent qu'il va s'étendre, selon un sondage BVA pour Canal+, publié jeudi.