Signe que la menace de pénurie est prise au sérieux, le ministère de l'Intérieur a annoncé l'activation hier du «centre interministériel de crise» pour assurer «la pérennité du ravitaillement en carburant». La mobilisation contre la réforme des retraites en France est montée d'un cran hier, avec l'entrée des routiers dans le mouvement et le maintien de la pression dans les raffineries, à la veille d'une nouvelle journée d'action nationale, sur fond d'inflexibilité du pouvoir. Signe que la menace de pénurie est prise au sérieux, le ministère de l'Intérieur a annoncé l'activation, lundi après-midi, du «centre interministériel de crise» pour assurer «la pérennité du ravitaillement en carburant» dans le pays, dont les douze raffineries sont en grève. Quelques heures auparavant, le président Nicolas Sarkozy, pour qui la réforme des retraites est une des priorités de la fin de son quinquennat, avait réuni à l'Elysée le chef du gouvernement et plusieurs ministres, «essentiellement» pour parler des «questions d'approvisionnement en carburant», selon un des participants. Au moment-même où le bras de fer se cristallisait dans le secteur stratégique des transports, plusieurs incidents violents ont éclaté hier aux abords de lycées, la plupart du temps du fait de jeunes extérieurs aux établissements venus pour «casser», ont dit les autorités. Appelés par les syndicats à durcir le mouvement pendant que le Sénat examine le projet de loi déjà adopté par l'Assemblée nationale, les routiers sont passés à l'offensive, en bloquant plusieurs dépôts pétroliers et en menant des opérations escargots, ce qui a provoqué d'importants bouchons sur certains grands axes. Le spectre d'une pénurie générale de carburant s'est fait plus précis hier, avec l'annonce de ruptures de stock dans environ 1500 stations-service dans les grandes surfaces (sur les 12.500 du pays), après un week-end au cours duquel des automobilistes inquiets se sont rués sur les pompes. La situation était aussi jugée «extrêmement préoccupante» dans les 3500 stations situées en zone rurale, selon le Fédération française de combustibles. Après une semaine de mobilisation sans précédent depuis le début de la protestation contre cette réforme qui prévoit de reculer l'âge minimal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, syndicats et gouvernement campent sur leurs positions. Soutenus par l'opposition de gauche, les syndicats espèrent maintenir la mobilisation à un haut niveau à l'occasion de la journée de grèves et de manifestation d'aujourd'hui, afin d'obliger le Sénat à suspendre le vote du projet de loi, prévu au plus tôt demain. De son côté, le Premier ministre, François Fillon, a répété dimanche que la réforme serait «votée», malgré «la crise sociale». Hier, les transports ferroviaires connaissaient toujours des perturbations, la société nationale de chemins de fer Sncf prévoyant en moyenne un train grande vitesse (TGV) sur deux. La contestation s'est poursuivie dans les lycées, entrés la semaine dernière dans le mouvement, avec des perturbations dans 261 établissements (sur plus de 4000 en France) hier selon le gouvernement et 850 selon un syndicat de lycéens. Certains blocages ont donné lieu hier à des affrontements entre jeunes et forces de l'ordre. A Lagny, en banlieue parisienne, un policier a été blessé par des jets de pierre et des cocktails molotov ont été lancés en direction des forces de l'ordre devant un lycée de Combs-la-Ville, dans le même département, selon des sources policières. L'opposition de gauche et du centre a déploré la raideur du gouvernement et à nouveau plaidé pour l'ouverture d'un dialogue avec les syndicats. «C'est une semaine décisive», a déclaré lundi le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, pendant un point de presse hebdomadaire du PS. Il a appelé les Français à «ne pas se laisser abuser» par le discours de fermeté du pouvoir et à manifester dans le calme.