Un demi-siècle après la sanglante répression de la manifestation pacifique des Algériens de Paris, le 17 octobre 1961, l'Etat français continue de refuser de reconnaître ce qui a été commis en son nom. Le fait est avéré, attesté par des travaux d'historiens fondés sur des archives officielles françaises. La justice française elle-même – en déboutant en octobre 1999 l'ancien préfet Maurice Papon de sa plainte contre Jean-Luc Einaudi, auteur de La Bataille de Paris. Le 17 octobre 1961 (Le Seuil) qui l'accusait d'avoir donné l'ordre à la police de tirer sur des manifestants pacifiques – avait reconnu que ce jour-là et les suivants s'est produit un massacre à Paris. Face à ce déni, ce mardi sera installée aux Invalides, par le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Hubert Falco, la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, contestée par les plus éminents historiens de la période et les Français qui ne nourrissent aucune nostalgie d'un passé colonial révolu et qui militent, au contraire, pour des liens de respect et de considération mutuels, parce que partisane et faisant le choix d'une mémoire sélective. Est-ce ainsi que l'Etat français et son premier responsable comptent réconcilier les mémoires et les apaiser ? Ce sentiment du deux poids deux mesures, du parti pris, est ressenti comme une profonde injustice par les Algériens, mais aussi par les Français d'origine algérienne, les enfants et petits-enfants des manifestants du 17 Octobre 1961, des Français qui œuvrent à la construction de liens d'amitié entre les deux rives. Mais ces liens peuvent-ils être sincères, solides et durables sans la reconnaissance par l'Etat français de son passé colonial et des crimes commis en son nom ? C'est à cette condition que l'apaisement se fera. Comme nous l'affirmait, en 1991, Jean-Luc Einaudi et c'est toujours d'actualité : «Dire qu'il ne s'est rien passé le 17 octobre 1961, c'est dire que la vie des Algériens ne vaut rien. Reconnaître le 17 Octobre 1961, c'est donner du prix à la vie de ceux qui sont morts et de la valeur aux jeunes qui sont ici.» Le devoir de mémoire, toute la mémoire, ne s'impose-t-il pas à l'Etat français comme un acte de justice ? Les Algériens rescapés de cette journée «portée disparue» dans l'histoire officielle française et les famille des victimes attendent que l'Etat français reconnaisse qu'en ce 17 octobre 1961 fut perpétré en son nom un massacre de manifestants pacifiques. «On ne perd pas son temps et sa dignité en regardant son passé en face. Un peuple est grand quand il a le courage de regarder son histoire», disait le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui avait pris l'initiative, en 2001, à l'issue d'un débat houleux au sein du conseil municipal, d'ériger sur le pont St Michel une stèle commémorative du 17 Octobre 1961 en signe de reconnaissance de la ville de Paris aux Algériens jetés dans la Seine par la police de Paris. De l'Etat français, les Algériens n'attendent pas de repentance, mais simplement la reconnaissance des exactions, de l'exploitation et des injustices qu'ils ont subies du fait de la colonisation.