Le président Abdelaziz Bouteflika veut faire doubler les effectifs de la police en trois ans qui atteindra 200 000 hommes. Il a octroyé une « faveur extraordinaire », selon les termes du directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi : la police ne dépendra plus de la Fonction publique et aura un statut particulier. Changement de statut placé par Ali Tounsi dans le cadre de l'amélioration des conditions de vie et de travail des hommes en uniforme. L'information, rapportée hier par le quotidien gouvernemental El Moudjahid, à l'occasion de la cérémonie des vœux de l'Aïd organisée par la DGSN à l'Ecole supérieure de police de Châteauneuf à Alger, concerne également l'application d'un « redressement salarial » dans les prochains mois par les ministres des Finances et de l'Intérieur. Dans la forme, cela peut être expliqué par l'annonce des pouvoirs publics qu'aucune augmentation salariale ne serait possible pour les 1,5 million de fonctionnaires. Le gouvernement soutient qu'une augmentation de 1% du SNMG coûterait au budget de l'Etat une enveloppe supplémentaire de 6 milliards de dinars, la masse salariale actuelle étant de 611 milliards de dinars. L'extraction de la police du corps de la Fonction publique servirait ainsi à contourner le statu quo salarial. Opération qui se déroule sans intervention d'un tiers acteur, puisque les autorités refusent la constitution de syndicat au sein de la police, bien que le droit algérien n'en interdise pas l'existence. Mais sous un autre angle d'éclairage, la perspective de l'augmentation des effectifs conjuguée au changement de statut peut-elle augurer d'une mutation profonde de la police algérienne ? Le « développement » de la police, dont l'effectif avoisine 120 000 hommes, est inscrit dans le cadre d'un programme quinquennal décidé par le gouvernement et qui prévoit une « couverture complète » du territoire national, soit par la gendarmerie dans les zones rurales, soit par la police dans les zones urbaines, et le recrutement de 45 000 policiers d'ici 2009. « Notre présence à travers le territoire est importante pour informer le gouvernement des besoins de la population », avait indiqué Ali Tounsi lors d'une conférence de presse en juillet 2005. La police, qui a été partiellement reconfigurée durant les années 1990 pour faire face au terrorisme urbain (avec notamment la création des Brigades mobiles de la police judiciaire - BMPJ), est probablement appelée à redéfinir sa stratégie de déploiement suite à la relative accalmie sécuritaire. Dans quel sens ? Et que va-t-on garder de la configuration opérationnelle des années 1990 ? Rien n'est certain, mais les appréhensions se concentrent sur la possibilité d'un renforcement répressif en lieu et place d'un encouragement à une police citoyenne. Avec ce changement de statut annoncé, s'achemine-t-on vers la création d'un corps « spécial » ou « spécifique » de sécurité dont les missions se rapprocheraient d'une police d'Etat et non d'une police de service public ? Une autre lecture, variante de la dernière, propose la thèse d'une tentative de reconcentration des pouvoirs de police après une concentration aux mains des « services » durant les dix dernières années. En 2001, lors du premier mandat du président Bouteflika, le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, ancien numéro 2 de la Sécurité militaire, avait créé au niveau de son département une direction de la sécurité intérieure dans le cadre d'un remaniement de l'organigramme du ministère. Des observateurs avaient, à l'époque, avancé une tentative du Président de récupérer les prérogatives des services secrets militaires, dans le cadre d'une lutte d'influence entre le locataire du Palais d'El Mouradia et les chefs militaires. Quelle pertinence cette lecture garderait-elle aujourd'hui ? Un représentant du ministère de l'Intérieur s'est excusé hier de ne pouvoir commenter ou compléter l'information. Et il était impossible hier d'avoir également au téléphone le chargé de la communication de la DGSN.