Avec la récente décision de suspendre de ses fonctions le président du tribunal de Berrahal, c'est un autre magistrat qui fait les frais de ce qui ressemble à une opération mains propres dans le milieu de la justice à Annaba. Bien que du côté du parquet l'on ait affirmé que la disgrâce qui frappe le premier responsable de la justice au niveau de cette daïra n'a aucune relation avec l'affaire Hippone Stell, des faits, comportements et démarches attestent du contraire. Ce bruyant rebondissement confirmé par des sources proches de la cour de justice de Annaba a intrigué et inquiété plus d'un parmi les justiciables qui assimilent le dossier « Hippone Stell » à un scandale politico-financier. D'autant qu'une instruction judiciaire vient d'être ordonnée à l'encontre de toutes les parties impliquées directement ou indirectement dans la vente aux enchères publiques des biens mobiliers et immobiliers de Hippone Stell. Dans les prochains jours, un notaire, des commissaires-priseurs et une fonctionnaire de la Conservation foncière, qualifiés d'hommes et de femmes-clés dans cette rocambolesque et ténébreuse affaire, seront appelés à répondre aux questions du magistrat instructeur récemment désigné. Tous devraient expliquer comment ils avaient pu procéder, parrainer et officiellement enregistrer cette vente réalisée malgré l'ordonnance de suspension émise par le tribunal et remise aux commissaires-priseurs chargés de la vente aux enchères publiques. Des écrits, encore classés confidentiels, instruction judiciaire oblige, mettent en cause de hautes personnalités de l'Etat dans ce dossier de saisie et de vente aux enchères du patrimoine de Hippone Stell pour un prix dérisoire. Les mêmes hautes personnalités, dont des commis de l'Etat, sont égratignées par d'autres écrits dans des affaires similaires. « Pas question que je porte seul le chapeau dans cette affaire que j'ai exploitée en conformité avec la loi. » Tel est en substance le message exprimé par une des cinq personnes appelées à être convoquées pour être entendue par le magistrat chargé de l'instruction. Pour de nombreux avocats, dont ceux chargés de défendre les intérêts de la société Hippone Stell, les commissaires-priseurs auront bien du mal à justifier la poursuite de la vente aux enchères et l'opération de cession du patrimoine de la société. « L'ordonnance de suspension de la vente qui leur a été remise bien avant qu'ils n'entament la procédure de mise à prix, était suffisante pour permettre aux commissaires-priseurs de refermer le dossier et de renvoyer les enchérisseurs. A moins qu'ils n'aient d'autres arguments palpables à faire prévaloir, je vois mal comment ces commissaires pourraient sortir de ce guêpier », a précisé un de ces avocats. Les conclusions de l'enquête diligentée par une commission dépêchée par la chancellerie et l'évaluation du patrimoine par un expert désigné par l'autorité publique seraient d'autres faits à inscrire dans ce dossier. Alors que ce patrimoine a été cédé pour 80 millions de dinars à un enchérisseur, l'expertise a estimé la valeur de ce patrimoine à 2 milliards de dinars. C'est sur ce dernier aspect que les défenseurs d'Hippone Stell ont axé leur plainte déposée le 10 mai 2003 auprès le tribunal de Annaba. Le refus des commissaires-priseurs de se soumettre à l'ordonnance émise par le parquet de surseoir à la vente aux enchères et la précipitation appliquée dans la procédure de cession sont autant d'arguments que les avocats comptent avancer pour défendre les intérêts de leur mandant. Là ne s'arrêtent pas les rebondissements dans le traitement des dossiers qui puent le trafic d'influence et l'argent sale. Tant du côté de la justice que du côté de la police judiciaire, l'enquête se poursuit toujours. La juridiction s'active à éplucher les documents administratifs et comptables qui lui sont remis pour évaluer les préjudices subis tant par la Banque extérieure d'Algérie que par la société Hippone Stell. En tout état de cause, pour le moment, magistrat instructeur, avocats de Hippone Steel et autres parties impliquées dans cette affaire affûtent leurs armes dans la perspective d'un round judiciaire qui promet d'être palpitant et riche en rebondissements.