Comme rapporté dans notre édition du 18 avril 2010, un trafic d'un genre nouveau se déroule au su et au vu de tous, à la zone industrielle d'Oued Sly, à 7 km à l'ouest de Chlef. Des jeunes appelés «negacha» (piocheurs) dont de nombreux mineurs, sont recrutés quotidiennement par des revendeurs de ciment pour racler les fonds des camions cocottes à ciment. Le travail au noir, qui se déroulait à l'intérieur même de la zone industrielle, pourtant fortement surveillée, a été déplacé ces derniers temps à proximité de l'entrée nord de la cimenterie. De quoi s'agit-il ? Une fois le produit déchargé au profit des utilisateurs, le camion cocotte revient souvent à l'usine avec une quantité de ciment au fond de sa cuve. Celui-ci est ensuite emballé dans des sacs de 50 kg, puis remonté à la surface afin d'être écoulé sur le marché. Les travaux sont effectués à l'intérieur même de la cuve par des jeunes exposés à tous les risques de maladies et d'asphyxie. Notre visite sur les lieux a coïncidé avec l'arrivée d'un camion et d'une Toyota qui étaient en pleine «opération», sous l'œil indifférent des transporteurs, venus charger leur quota de ciment à l'usine. Des adolescents et des mineurs sont recrutés quotidiennement par les barons du ciment ; ils sont payés 10 DA le sac de 50 kg. Leur mission consiste à pénétrer à l'intérieur de la cocotte sans aucun moyen de protection. Ils passent des heures à remplir les sacs dans des conditions infernales. Ils ressortent épuisés et le corps recouvert de poussière avec une rétribution qui ne couvre même pas les frais d'une douche ! Pourtant, le produit est revendu quelques instants après à 300 DA le sac aux utilisateurs qui viennent de partout. Les jeunes, avec lesquels nous nous sommes entretenus, affirment qu'ils exercent cette activité depuis des mois afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Si certains s'y adonnent le week-end et les jours fériés seulement, d'autres en ont fait leur gagne-pain quotidien. «Responsable d'une famille nombreuse, je dois effectuer ce travail car je n'ai pas d'autres ressources, ni de débouchés pour faire face aux difficultés de la vie», nous a déclaré un de ces jeunes. En fait, sa déclaration résume la situation de nombreux autres chômeurs qui ont choisi, au péril de leur vie, ce travail pénible.