Des familles venues, à la faveur de l'Aïd El Fitr, se recueillir sur la tombe de leurs proches tombés au champ d'honneur ont été confrontées à ce qui semblait être une profanation récente des tombes. En plus de la grande douleur morale éprouvée à la vue des tombes profanées, les quelques familles présentes ce jour-là étaient tout autant consternées face à l'état de ces derniers carrés de ce cimetière érigé en bordure de la RN5, à 8 km de la ville de Constantine. Alertés par l'une des familles, nous nous sommes rendus sur place pour s'assurer de la véracité des faits. Le spectacle est insoutenable. Une quinzaine de tombes et autant de cercueils éventrés dévoilent ici un crâne, là des ossements partiellement recouverts par les débris des pierres tombales. Les carrés incriminés sont abandonnés à leur triste sort, contrairement aux espaces bien entretenus aménagés en amont du cimetière, là où les officiels se retrouvent une à deux fois dans l'année pour se rappeler les sacrifices consentis par nos aînés pour rétablir la souveraineté de l'Algérie. Interpellé par téléphone quatre jours après cette macabre découverte, l'un des responsables de l'Organisation des anciens moudjahidine de Constantine tombe des nues. « Nous ne sommes pas au courant de cette affaire », dira-t-il sans autre commentaire. Même son de cloche du côté de l'Organisation des fils de chouhada où l'information donnée par nos soins semble faire l'effet d'une bombe. Mais sans plus. Rien ne filtre en l'absence du premier responsable dans les locaux de cette organisation et personne ne semble disposé à faire le moindre commentaire à ce propos. Contacté par téléphone, un élu en charge de la gestion des cimetières de la commune de Constantine exprimera, pour sa part, sa stupeur, « d'autant, dira-t-il, que j'ai en personne effectué une visite d'inspection lors de la cérémonie protocolaire du 1er Novembre, et à ce moment-là, je n'ai rien remarqué d'anormal ». De là à supposer que la profanation a eu lieu dans la nuit du mardi 1er novembre et celle du mercredi 2 novembre, il n'y avait qu'un pas que nous étions prêts à franchir jusqu'au moment où, quelques heures plus tard, notre dernier interlocuteur se manifeste pour nous faire part de faits nouveaux. « La profanation aurait eu lieu six ans auparavant », nous dévoile-t-il contre toute attente, ajoutant que malgré ses multiples démarches auprès de l'Organisation des anciens moudjahidine rien n'a été entrepris pour la réhabilitation de ces tombes. Il tiendra à préciser, en outre, comme pour se dédouaner de cette affaire, que ses services ne disposent d'aucun budget lui permettant de restaurer les tombes profanées. Un éclairage de dernière minute qui se passe de commentaire, sinon celui qui tend à discréditer tous les discours verbeux et larmoyants tenus en ces lieux quelques jours plus tôt à la mémoire de ces mêmes chouhada à qui on refuse depuis six ans une sépulture décente.