À quelques jours de l'Aïd El Kébir, le mouton du sacrifice s'affiche au prix fort. Par exemple, dans le marché hebdomadaire de Mesra, le mouton le moins cher est cédé à 16 000 DA tandis que les prix les plus élevés peuvent atteindre les 30 000 et même les 38 000 DA. À quelques kilomètres de ce marché, à Bouguirat, le client peut acheter un mouton à 14 000 DA. Toutefois, les pères de famille qui disposent de petites bourses n'ont pas vraiment un choix à faire. Sachant que nombre de travailleurs touchent moins de 12 000 DA, les choses se compliqueront davantage. «Il n'y a pas de flambée des prix des moutons, comme vous le dites. Nous déboursons de grandes sommes pour élever nos bêtes. Tout est cher. Nous ne pouvons pas faire l'exception face aux multiples changements du marché. Peut-être qu'il est temps de prendre en charge les problèmes des fellahs pour espérer une stabilité dans le secteur agricole», estime Kaddour, un éleveur originaire de la wilaya de Mostaganem. Dans les deux marchés que nous avons visités, le malaise des acheteurs est fortement palpable. Rares sont ceux qui prennent un mouton sans dire que c'est cher. Beaucoup de personnes sont même obligées de renoncer au sacrifice de l'Aïd. «Je touche un minable salaire et j'ai toute une famille à ma charge. Nous vivons dans des conditions lamentables. Alors le mouton ne fait même pas partie de notre jargon familial. Je pense que même les gens qui ont un traitement moyen peinent à gérer la fin des mois, les grandes fêtes religieuses et les dépenses importantes», nous dit Brahim, un journalier. L'Aïd El Adha est une grande fête. C'est un rituel qui rappelle aux musulmans le courage et la bravoure du prophète Abraham. C'est aussi une opportunité pour perpétuer la solidarité et la tolérance entres les humains. Pour les enfants, c'est «le Noël de chez nous»; une grande fête pour le jeu et l'interminable plaisir. Cependant, lorsqu'une famille ne peut pas avoir un mouton, faute de moyens, la fête ne sera jamais joyeuse. L'Aïd fait ressurgir au grand jour le malaise social qui sévit dans notre pays; un pays très riche. C'est une injustice de plus, une injustice de trop.