L'article 256 du code de l'enregistrement apparaît comme le grain de sable qui empêche le fonctionnement normal du mécanisme sociétaire qui régit la société à responsabilité limitée. A une certaine époque, le produit de la cession d'un bien meuble ou immeuble devait être impérativement consigné, dans son intégralité, à la caisse du notaire rédacteur et n'était reversé au cédant qu'au terme de la procédure engagée spécialement auprès des services fiscaux de recouvrement en vue de leur permettre de faire valoir leurs éventuelles créances par voie « d'avis à tiers détenteur ». Parce que les délais occasionnés par un tel formalisme s'avéraient trop longs, donc préjudiciables au vendeur, ledit article a été modifié de sorte que le séquestre notarial ne devra plus porter que sur 20% du prix de la transaction. Jusque-là, on ne pouvait que louer cet arrangement. On en est venu ensuite à étendre cette mesure au cas de la libération des apports en capital, toutes formes sociétaires confondues, sans prêter attention au fait qu'elle était porteuse de confusion eu égard aux dispositions de l'article 567 du code de commerce. Pour rappel, ce texte, applicable au cas particulier des sociétés à responsabilité limitée, exige que « les parts sociales doivent être souscrites en totalité par les associés et intégralement libérées, qu'elles représentent des apports en nature ou en numéraire... » et que « les fonds provenant de la libération des parts sociales, déposées en l'étude notariale, seront remis au gérant de la société après son inscription au registre du commerce ». A l'évidence, il y a contradiction entre les deux textes qui apparaît avec acuité à l'approche de l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 13 de la loi de finances complémentaire pour 2005 qui imposent aux SARL importatrices de marchandises destinées à être revendues en l'état de se doter d'un capital minimum de 20 millions de dinars. Le sujet fait débat au sein de la profession notariale. La grande majorité d'entre eux instrumentent sur la base d'une libération partielle du capital à raison de 20%, à la caisse de leur office, tout en prenant la précaution d'insérer dans l'acte constitutif une mention par laquelle les associés s'engagent à en verser le complément dans la caisse sociale, donc « hors la vue » du notaire. Une pratique manifestement légale qui est confortée par une récente prise de position des services fiscaux qui confirment « que conformément à l'article 256-1 du code de l'enregistrement il ne doit être libéré entre les mains du notaire que les 1/5 du capital (soit 20%) et non pas l'intégralité de celui-ci. S'agissant de la libération de l'intégralité du capital social, il est rappelé que celle-ci demeure régie par les dispositions du code de commerce et notamment les articles 567 et 568 pour les SARL et les EURL et les articles 598 et 601 pour les SPA ». Une tautologie qui ne résout pas l'interrogation. Le problème reste donc entier. La solution ne peut venir que du législateur qui, par chance, est présentement engagé dans un débat on ne peut plus d'actualité puisqu'il porte précisément sur la prochaine loi de finances. Une opportunité à saisir pour y introduire une disposition à même de faire cesser l'embarras créé par ses lois.