Afin d'améliorer l'attractivité de l'Algérie en affinant son indice de développement humain, le privé national doit être d'un apport certain, explique Abdelkrim Boudra, directeur de l'institut IICOM et président de CARE, dans cet entretien. -Que pensez-vous des résultats rendus dans le rapport sur le développement humain 2010 du PNUD sur l'Algérie ? Le rapport du PNUD sur le développement humain 2010 a classé l'Algérie au 84e rang sur 169 pays. Avec une moyenne générale de 0,677. Nous passons ainsi, de justesse, de la catégorie des pays à développement moyen (du 86e au 127e rang) à celle des pays à développement humain élevé (43e au 85e rang). Il faut particulièrement souligner la performance à long terme de l'Algérie classée au 9e rang mondial, en termes d'amélioration de l'IDH entre 1970 et 2010. Je pense que c'est une juste appréciation des efforts de développement social de l'Algérie. Dans cette période de «vaches maigres indicielles», c'est bon pour le moral de la nation. -En tant que chef d'entreprise et appartenant à un cercle d'entrepreneurs algériens de réflexion, que peut vous apporter ce rapport et indice de développement humain (IDH) économiquement ? Il nous montre le chemin parcouru et celui qui reste à faire, en regardant sérieusement ce qui se passe dans le monde. Il était important pour les parties prenantes algériennes de rencontrer les experts du PNUD et principaux rédacteurs pour écouter et échanger. De grands défis nous attendent et nous avons pris du retard. Les défis climatiques, les performances des politiques publiques en périodes de crises cycliques, les problématiques de gouvernance au niveau de l'Etat et des entreprises, la qualité du système d'information économique, le développement de la recherche…Autant de challenges notés par les experts et sur lesquels nous avons fort à faire. -Un problème de statistiques, sa disponibilité, sa qualité et son indépendance, se pose avec acuité en Algérie. Est-ce que cela ne biaise pas les résultats du rapport du PNUD et même celui élaboré en 2007 par le CNES sur le développement humain sachant que le revenu est un indicateur servant à calculer cet IDH ? Je suis personnellement sidéré par la légèreté de certains commentaires «méthodologiques» concernant les différents indices – surtout quand le classement nous est défavorable. On ne répond pas aussi légèrement à des années d'expérience, des équipes de chercheurs de très haut rang et surtout à des années d'expérimentation correction. Nous continuons à avoir une idée fantasmée de ce que nous sommes et nous nous obstinons à ne pas voir les changements dans le monde. Le seul moyen utile de répondre – et c'est ce que tente de faire utilement le CNES - c'est d'intégrer ces espaces, de comprendre les mécanismes de production, d'y contribuer en mobilisant nos meilleures ressources. Sur un deuxième plan, il faut sérieusement développer notre «marketing de l'Algérie». Entre autres, en mettant en valeur les informations qui servent notre position (à condition de bien les produire d'abord) et en mobilisant nos meilleures compétences pour recevoir et travailler avec les experts et délégations en charge de ces évaluations. Les réactions de remise en cause ou de dénigrement sont malheureusement inefficaces voire contre-productives. -La croissance économique ne va pas de pair avec le développement humain, selon le PNUD. Quel est votre avis sur la question ? Ce n'est pas uniquement le point de vue du PNUD. A ma modeste connaissance, les études ont signalé depuis les années 1970 la faible corrélation entre la croissance (augmentation des revenus) et le développement humain, analysé essentiellement en termes de santé, espérance de vie et éducation. Toutefois, il ne faut pas vite conclure que nous pouvons avoir un développement humain acceptable sans croissance, ou inversement une forte croissance économique induit automatiquement une évolution des conditions de vie des populations. Il faudra affiner l'analyse et s'interroger sur l'efficacité des politiques publiques et les performances des institutions en charge de leur mise en œuvre (administrations, entreprises…). C'est peut-être là que les disparités peuvent naître et prospérer. -Quel est le poids du secteur économique et du service privé (même en matière de santé et d'éducation puisque le privé est présent) dans l'IDH ? Quoi qu'on dise, le secteur privé en Algérie joue un rôle économique et social très important, injustement évalué. C'est l'une de nos faiblesses majeures.Si nous voulons opérer une analyse sérieuse des indices sociaux économique, il faut ajouter aux données du secteur privé formel celles du secteur informel que nous avons tort d'assimiler à une «bande de trabendistes». Il s'agit de toute l'économie non observée où de multiples acteurs remplissent des fonctions sociales et économiques indispensables. Je n'ai pas les chiffres sur l'importance du secteur privé dans l'éducation et la santé. Je suis convaincu qu'un secteur privé performant peut améliorer la qualité et l'efficacité des soins et de l'éducation. Il faut juste proposer une vision, la discuter et se mettre à travailler dans une même direction. -Qu'apporte de plus l'IDH aux entrepreneurs ? La réflexion sur le développement humain a un lien avec les responsabilités sociales et la corporate governance des entreprises. Indirectement, elle concerne le développement d'avantages comparatifs globaux permettant d'améliorer l'attractivité de l'Algérie : pas seulement les IDE, mais également les touristes, les travailleurs étrangers… l'image du pays serait améliorée et agirait comme un méga-facteur donnant envie d'aller vers ce pays. Il n'y a qu'à voir l'exemple du sultane d'Oman (meilleure performance mondiale en termes d'évolution de l'IDH). Comparés aux pratiques dans le monde, les entrepreneurs algériens sont, à mon humble avis, sensibles aux préoccupations sociales. Cela s'explique par plusieurs facteurs de l'histoire économique et sociale de l'Algérie. C'est au niveau des performances économiques et de la collaboration entre le public et le privé que les progrès sont à faire.