Les Portugais n'ont pas échappé à la règle en matière d'organisation de manifestations aussi importantes qu'un sommet de l'OTAN. Un contre-sommet avec les anti-OTAN a ajouté à cette ambiance. Ceux-là ont choisi de manifester aujourd'hui à l'heure où se tiendra le sommet OTAN-Russie. Lisbonne (Portugal) De notre envoyé spécial Il n'y a pour cela qu'à écouter les Portugais qui ne s'attendaient certainement pas à autant de mesures de sécurité. Des mesures draconiennes avec des rues bloquées et des lignes de bus fermées et les frontières du pays strictement surveillées avec le rétablissement des contrôles. Et ce n'est pas fini pour eux avec la grève générale annoncée pour mercredi 24 novembre. Le Portugal est lui aussi frappé de plein fouet par la crise. Celle-ci même qui touche jusqu'aux budgets consacrés aux besoins militaires des pays de l'OTAN. C'est dans ce climat que se tient depuis hier le sommet de Lisbonne. En tout état de cause, ce sommet ouvert en milieu d'après- midi, selon des règles protocolaires inchangées depuis longtemps avec des interventions du secrétaire général de l'OTAN et du Premier ministre portugais, ne passe pas inaperçu, en ce sens qu'aussi bien pour ses initiateurs que pour les Portugais, au moins eux, en attendant de connaître les autres opinions des Etats membres, il a été voulu comme tel. Un sommet marquant pour les décennies à venir, et finement préparé au moins avec la Russie décidée à enterrer la guerre froide comme cela lui a été demandé, et que elle-même n'a jamais contesté, même si ses dirigeants rappellent leur opposition à ce que l'OTAN soit frontalière de la Russie. Tout juste, rappellent ses dirigeants, il faudrait que l'Alliance définisse sa propre doctrine aussi bien en termes d'espace géographique que conceptuel, autant dire ce qui fonde son existence. Mais avant cela, même l'OTAN doit faire le ménage en son sein en ce sens que cinq de ses membres (Allemagne, Belgique, Luxembourg, Norvège et Pays-Bas) veulent lancer le débat sur la dénucléarisation. Aujourd'hui, les Etats-Unis stockent encore quelque 240 bombes atomiques dans quatre pays de l'Alliance atlantique, à savoir en Allemagne, en Belgique, en Italie et en Turquie. Ces armes nucléaires n'ont plus aucune raison d'y être – de l'avis des cinq membres de l'OTAN. La guerre froide est finie, et jamais le moment n'a été aussi propice pour réclamer le retrait de cet arsenal, depuis l'appel lancé par le président américain, Barack Obama, à un monde sans armes nucléaires, dans son discours de Prague en avril 2009, font-ils prévaloir. C'est cette rupture que veut consacrer le nouveau concept stratégique, avec ce que l'on appelle déjà les nouvelles menaces, acceptées dans leur énonciation sauf en ce qui concerne leur désignation. La Russie, Le nouvel allié L'on parle de terrorisme international, d'attaques informatiques, tout cela en partenariat avec la Russie, l'ennemi d'hier. Dans le même temps, le secrétaire général de l'OTAN espère étendre au moins le dialogue à la Chine et l'Inde. En ce sens, le président américain a indiqué qu'à Lisbonne, «nous pourrons continuer à forger au-delà de l'OTAN, les partenariats qui contribuent à faire de notre alliance un pilier de la sécurité mondiale». Ou encore et cela a valeur de précision, que «la défense anti-missile… assurera une défense forte et efficace du territoire et des peuples de l'Europe ainsi que des forces américaines qui y sont déployées». Ce n'est donc nullement «la défense en Europe» comme le laissaient croire certaines lectures.Le volet le plus attendu et aussi le plus avancé de ce partenariat semble avoir évolué, selon l'ambassadeur russe, auprès de l'OTAN. En effet, considère-t-il, «le nouveau concept stratégique sera finalement adopté (…), car il va reconduire les garanties de sécurité aux nouveaux membres de l'OTAN en cas de situation imprévue liée à une attaque militaire extérieure. La Russie ne devrait pas y figurer en tant qu'agresseur potentiel. D'autre part, l'OTAN est maintenant déterminée à élargir l'éventail de ses services et à garantir aux pays qui la composent une sécurité dans les secteurs de l'informatique, de l'énergie, une protection contre la piraterie, le terrorisme et l'immigration clandestine. De fait, l'Alliance atlantique va s'efforcer d'être sur tous les fronts». Et selon lui, elle sollicitera pour cela l'aide de ses partenaires comme la Russie. Mais rappelle le diplomate russe, «le concept de gendarme du monde ne peut pas nous satisfaire. Cependant, nous devons admettre que de nombreuses menaces doivent être contenues, bloquées au loin. Nous nous efforçons nous-mêmes de le faire, par le biais de l'Organisation du traité de sécurité collective (l'OTSC) [qui comprend la Russie, la Biélorussie, l'Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan]. Mais il y a une condition sur laquelle nous allons insister, c'est que pour toutes les actions liées à l'usage de la force, l'OTAN devra obtenir un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU». Toute la question est là, et à entendre le diplomate russe, il y a nécessité d'arrondir les angles. D'ailleurs, tout laisse penser que le sommet des vingt-huit avec la Russie n'a pas échappé à cette logique du compromis. Avant ce rendez-vous, le sommet de Lisbonne se penchera sur la situation en Afghanistan en présence du président Hamid Karzaï sur place depuis vendredi. Mais avant cela, le représentant civil en Afghanistan a quelque peu atténué la vague d'optimisme en déclarant que la mission de combat de l'Alliance pourrait se prolonger au-delà de 2014, date retenue pour le transfert de la sécurité aux forces afghanes. L'échéance de 2014 n'est pas une date butoir, a précisé Mark Sedwill. «C'est un objectif», a-t-il déclaré. «C'est réaliste, mais pas garanti.» Selon des responsables américains, le transfert progressif aux forces afghanes commencera début 2011 et doit s'achever fin 2014 en vertu d'un plan qui doit être approuvé à Lisbonne. Les forces de l'OTAN pourraient toutefois continuer à tenir certaines zones du pays après 2014, a reconnu M. Sedwill. Le président américain a confirmé que «l'Amérique commencera à procéder à la transition et à une réduction de ses troupes en juillet 2011». Et encore, des questions sont éludées comme celle qui consiste à savoir ce que sera ce pays lorsque ce retrait sera réalisé, les hommes de terrain, c'est-à-dire les militaires, n'ont pas caché leur pessimisme. Ce qui est sûr, par ailleurs, c'est que l'OTAN est passée aux nouvelles menaces, laissant de côté, ce qui est susceptible de les provoquer. Et là, il s'agit des conflits non encore résolus comme celui du Proche-Orient, des crises en Afrique, et des très graves inégalités qui caractérisent les relations internationales actuelles. C'est encore le règne de l'injustice.