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Dans les coulisses du sommet de l'OTAN
Vers l'adoption du nouveau concept stratégique sans allusion au Dialogue méditerranéen
Publié dans Liberté le 20 - 11 - 2010

Le sommet des 19 et 20 novembre à Lisbonne projette l'Alliance pour les 10 prochaines années. La cohésion est désormais renforcée entre les 28 pays membres. Pour les processus politiques lancés avec les pays de la rive sud comme le Dialogue méditerranéen ou l'Initiative d'Istanbul, ils peuvent toujours attendre.
Le 22e Sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord s'est ouvert hier au Parc des Nations à Lisbonne (Portugal) avec un agenda très chargé mais dont l'adoption ne fera aucun doute. Le nouveau concept stratégique dont les discussions officielles et informelles durent depuis plusieurs mois recevra le consensus nécessaire afin de projeter l'Alliance des 28 à l'horizon 2020.
Le rideau va tomber aujourd'hui sur cette rencontre au sommet que le secrétaire général de l'OTAN, le Danois Andersen Rasmussen, a qualifiée lui-même d'historique sans que les doutes sur le respect des engagements de l'organisation atlantique en termes de sécurité mondiale et de dialogue politique avec les pays partenaires mais non adhérents à l'OTAN ne soient définitivement levés. Le 21 octobre dernier, il était beaucoup question de la relance du dialogue politique avec les pays de la rive sud dont principalement l'Algérie.
C'était lors d'un forum organisé au siège de l'Alliance à Bruxelles en Belgique. Hier, le discours concernait les pays constituant l'Alliance avec un accent particulier sur l'Afghanistan, un conflit dans lequel l'OTAN s'est embourbée mais dont la solution politique lui échappe totalement tant elle refuse de prendre en considération l'origine du problème depuis l'occupation russe.
Le Dialogue méditerranéen et les jeunes atlantistes Quelle place pour le Dialogue méditerranéen ?
Après avoir appelé l'Algérie à reprendre langue avec l'Alliance, un dialogue qu'elle a boycotté depuis 2008 en raison de la dégradation de la situation dans la bande de Gaza notamment, l'OTAN n'a fait aucune allusion dans son programme élaboré pour le sommet de Lisbonne pour ce dossier qui tenait pourtant à cœur à plusieurs responsables de l'organisation atlantique ? Que s'est-il passé en l'espace d'un mois pour effacer d'un trait de plume des appels pressants placés sous le sceau de l'urgence en direction de l'Algérie pour participer au processus du dialogue politique mis en œuvre pour les 7 pays de la rive sud où figurent également la Tunisie, le Maroc, la Mauritanie, la Jordanie, l'Egypte et Israël ?
La délégation de la presse algérienne a été surprise de voir que le programme remis à la veille du sommet ne comporte pas des activités ou des conférences concernant la situation du Dialogue méditerranéen. D'ailleurs, depuis leurs arrivées à Lisbonne, aucun contact de l'OTAN n'a été établi avec les membres de la délégation.
Hormis des mails envoyés du siège de l'Alliance en Belgique informant du programme définitif tracé pour le sommet, les membres de la délégation étaient contraints de se déplacer par leurs propres moyens au centre des médias situé au sein de la Foire Internationale en bordure du fleuve Tage, à huit kilomètres du centre-ville.
Mais au-delà de ce détail, le manque d'intérêt des animateurs du sommet vis-à-vis de leurs partenaires du Sud s'est illustré par l'absence d'un programme particulier concernant le Dialogue méditerranéen.
Visiblement, l'Alliance, qui se projette à l'horizon 2020, est beaucoup plus préoccupée par sa relève. Et c'est plus que légitime pour une organisation qui a survécu à la fin de la guerre froide et qui compte faire sa mue pour résister aux aléas de la mondialisation que les alliés d'hier se sont imposés aujourd'hui. En organisant le sommet des jeunes atlantistes en marge de la rencontre de Lisbonne, l'OTAN entend concrétiser l'objectif de se faire “connaître à des populations qui en savent peu à son sujet et qui doutent peut-être de son intérêt pour leur existence”. Mais le message peut être perçu différemment au sein des pays de la rive sud qui y voient une forme de repli sur soi et d'exclusion de tous ceux qui ne sont pas dans l'espace judéo-chrétien.
Du coup, ce sont des initiatives à l'exemple du Dialogue méditerranéen qui se retrouvent reléguées au second plan alors que les espoirs de voir ce processus remplacer la défunte UPM de Sarkozy étaient de plus en plus renforcés afin de permettre à un pays à l'exemple de l'Algérie, puissance pétrolière et militaire régionale, de participer au jeu politique OTAN-Méditerranée.
Ce qui semble ne pas être pour l'heure le cas, vu que les divergences d'approche sur les dossiers de la rive sud ne sont pas levées ou du moins atténuées.
Les couleurs de l'OTAN brouillées par les altermondialistes et la crise économique
Dans la capitale portugaise, l'ambiance est aux couleurs de l'OTAN même si l'annonce d'une contestation sociale pour le 24 novembre à travers une grève générale a quelque peu fait de l'ombre à l'événement.
Un événement qui semble aussi brouillé par le mouvement des altermondialistes qui ont annoncé une manifestation pour aujourd'hui au moment même ou un mini-sommet OTAN-Russie est prévu. Le gouvernement portugais qui semble craindre le scénario de Strasbourg d'avril 2009 a déployé un dispositif de plus de 7 000 hommes pour assurer la sécurité de ce rendez-vous au sommet.
En rétablissant le contrôle aux frontières depuis lundi dernier, le gouvernement a également renforcé les patrouilles des gendarmes comme il a autorisé les forces de sécurité à refouler toute personne dont les comportements seraient “susceptibles de compromettre la sécurité”. D'ailleurs, la Coordination internationale anti-OTAN (ICC) a dénoncé jeudi le refoulement de dizaines de ses militants “pacifistes” tout en souhaitant participer au contre-sommet organisé aujourd'hui à Lisbonne en marge du sommet de l'Alliance atlantique. Ce qui ne sera pas du tout évident vu l'importance du dispositif visible dans tous les recoins de Lisbonne.
Mais ce renforcement de la sécurité qui est tout à fait normal en pareille circonstance semble quelque peu irriter des Lisbonnais qui se sont vu interdir d'emprunter certaines rues et avenues en ville. Il faut dire aussi que le poids de la crise économique qui frappe le pays et les mesures drastiques annoncées par le gouvernement sont les sujets de discussion ici à Lisbonne. Un chauffeur de taxi n'a pas caché sa colère quant à la dégradation du cadre de vie au Portugal.
La dette de ce pays à la fin 2009 dépassait les 126 milliards d'euros soit 76,6% du PIB. Pour rétablir la situation, le gouvernement a prévu un plan d'austérité pour ramener, d'ici à 2013, son déficit sous la barre des 3% exigés par l'UE. Diverses mesures ont été annoncées dont la réduction drastique de la dépense publique avec le gel des salaires des fonctionnaires pendant quatre ans, la diminution des aides sociales et le report des investissements publics. Pour cette année, les prévisions de croissance ne sont pas pour autant rassurantes alors que le chômage vient de passer la barre des 10%. Une situation qui inquiète les quelque 12 millions d'habitants de ce pays. Et ce n'est pas un hasard si le président américain Barak Obama a prévu une réunion sur la question avec son homologue portugais, en marge du sommet de Lisbonne.
L'OTAN, la récession et le repli sur soi ?
L'OTAN, qui veut maintenir son rôle de pivot dans la stabilité mondiale, a décidé d'intégrer la dimension sociale dans sa stratégie en reconnaissant clairement que la force militaire ne peut à elle seule régler les conflits.
Soit. Mais il s'agit de savoir aujourd'hui si cet objectif ne risquerait pas d'être compromis par les effets de la crise financière internationale qui continuent encore à menacer la stabilité de beaucoup de pays dans le monde y compris des Etats membres de l'Alliance. L'OTAN le reconnaît pourtant en affirmant que “la vigueur de l'organisation pourrait tout aussi bien être sapée de l'intérieur. La complexité croissante de l'environnement politique mondial pourrait éroder la cohésion de l'Alliance, les maux économiques pourraient détourner l'attention des besoins sécuritaires ; d'anciennes rivalités pourraient bien refaire surface et un déséquilibre entre les contributions militaires de certains membres et celles d'autres alliés pourrait réellement être dommageable”.
Le constat est établi par les experts chargés de plancher sur le nouveau concept stratégique et qui recommandent d'ailleurs implicitement à l'Alliance une sorte de repli sur soi pour conserver ses ressources pour les intérêts bien compris des pays membres. “Les Etats membres ne peuvent laisser les dangers du XXIe siècle accomplir ce que les périls du passé n'ont pu faire : diviser leurs dirigeants et diluer leur détermination collective.
Le nouveau concept stratégique devra donc préciser à la fois ce que l'OTAN devrait faire pour chaque allié et ce que chaque allié devrait faire pour l'OTAN”, peut-on également lire dans le document.
Le plan 2010-2020
Le nouveau concept stratégique repose sur des idées déjà connues tout en intégrant un certain nombre de paramètres liés aux nouvelles menaces qui planent sur la sécurité mondiale dont le terrorisme, la cybernétique, la sécurité énergétique et les armes de destruction massive.
Il s'agit de la réaffirmation de l'engagement fondamental de l'OTAN en matière de défense collective, se protéger contre les menaces non conventionnelles, fixer les principes directeurs des opérations extérieures de l'Alliance, réunir les conditions de succès en Afghanistan, se consulter pour prévenir ou gérer les crises, renforcer le partenariat, participer à une approche globale des problèmes complexes, l'engagement avec la Russie, maintenir la porte ouverte et renforcer les capacités nouvelles pour une nouvelle ère de transformation militaire et de réforme. Le nouveau concept vise également à intégrer le bouclier antimissile proposé par Obama afin de “répondre à la menace d'une attaque balistique de l'Iran”, ce qui de l'avis de beaucoup de spécialistes européens signifie la fin de l'autonomie de défense européenne au profit d'un projet US, vieux de 20 ans.
Il sera également question de répondre au danger croissant de cyber-attaques, de réformer pour développer l'agilité de l'Alliance et enfin “d'expliquer l'OTAN, sa vision et sa raison d'être”.
Deux concepts finalement qui seront pendant les dix prochaines années objet de sensibilisation mais aussi objet de controverses avec les pays tiers tant que le dialogue politique tant prôné et souhaité ne trouve toujours pas un début de concrétisation sur le terrain des réalités géopolitiques du Maghreb et du Moyen-Orient.


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