Le sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a pris fin hier avec l'adoption de l'ensemble des mesures qui permettent à l'Alliance de tourner définitivement le dos à ce qui justifiait son existence même. Lisbonne De notre envoyé spécial En fait constatait-on, un nouveau départ, une page était en train d'être tournée, et cela s'est fait avec énormément de diplomatie, du consensus et le sens du compromis. Tout a été fait pour donner aux uns sans enlever quoi que ce soit aux autres. Et cela se résumait en des propos rassurants à l'endroit de ceux qui ne sont pas d'accord avec un grand rapprochement avec la Russie. Ou encore ceux qui refusent de se défaire de leur arsenal nucléaire, dans le cadre d'un monde dénucléarisé, ou enfin à l'endroit de ceux qui refusent que l'OTAN devienne le nouveau gendarme mondial. Elle sera «un pilier de la sécurité mondiale» a assuré le président américain, et non pas le pivot. Plus que cela, le fameux bouclier anti-missiles, n'assurera pas la sécurité en Europe, mais «celle de l'Europe et des populations européennes». Plus qu'un simple exercice de style, ou un glissement sémantique, toutes ces questions avaient été soulevées ces derniers temps. Et même se rend-on compte, par différents canaux non conventionnels, elles sont arrivées à destination. Comme quoi, rien n'est de trop. Ce qui a rendu d'autant plus aisée la suite des travaux et même l'ensemble avec un agenda particulièrement chargé avec pas moins de quatre sommets, celui de l'OTAN proprement dit depuis vendredi, et hier matin sur l'Afghanistan réunissant aussi vingt autres Etats engagés militairement dans ce pays avec les soldats de l'Alliance. A l'ordre du jour, un désengagement militaire de l'Alliance, avec à la clé un planning de retrait qui doit commencer en juillet 2011, et s'achever en 2014. «Nous avons lancé le processus par lequel le peuple afghan va redevenir maître de sa propre maison», a souligné hier peu après cette réunion, le secrétaire général de l'OTAN, M. Rasmussen, lors d'un point presse à Lisbonne. Avec le président afghan Hamid Karzaï, «nous nous sommes entendus sur un partenariat de long terme qui va perdurer au-delà de notre mission de combat», a-t-il précisé. Durant la période de transition, au lieu d'être en première ligne, les troupes internationales exerceront de plus en plus un rôle de soutien au profit de l'armée afghane, a-t-il ajouté. Sauf que personne ne sait ce que deviendra l'Afghanistan. Un autre sommet USA-Europe qui aurait dû se tenir au printemps dernier à Madrid pour lever les malentendus, et en milieu d'après-midi, la rencontre tant attendue des Vingt-huit avec la Russie. C'est cette rigueur dans la préparation qui a rendu certaines conclusions aisées, et dire à quel point était dérisoire tout ce qui se disait depuis des semaines. En fait, et à l'instant même où le président russe avait fait savoir qu'il effectuera le déplacement à Lisbonne, les choses avaient considérablement avancé. Les précédentes conférences sur la sécurité tenues dans la ville allemande de Munich ne préfiguraient pas seulement ce qui allait être conclu au sommet de Lisbonne, elles ont beaucoup plus servi de cadre de préparation. Ce que les acteurs traditionnels appellent des répétitions. Mais il a fallu du temps pour mettre en place ce changement. Vingt années exactement après la chute du Mur de Berlin et la disparition de l'ancienne URSS et avec elle l'ensemble du monde communiste en Europe évidemment. Depuis cette date, chaque partie était sur ses gardes, la Russie refusant que l'OTAN étende ses frontières avec l'intégration de nouveaux membres, mais les divergences n'ont plus aucun fondement idéologique. De nouvelles alliances ont été nouées, redessinant les rapports mondiaux, encore que dans bien des cas les intérêts nationaux en ont été le guide, ou encore l'élément dominant. C'est en agissant sur ces différents volets que l'OTAN a pu adopter son nouveau concept stratégique, un test qui servira de base à l'action de l'Alliance au moins jusqu'en 2020. L'OTAN y pense depuis 1999, année de l'intervention contre la Serbie et en faveur du Kosovo qui a proclamé son indépendance en février 2008, et la décennie écoulée marquée quant à elle par les attaques antiaméricaines du 11 septembre 2001. Le terrorisme international, la prolifération balistique et nucléaire, le blocage des approvisionnements en hydrocarbures et la guerre informatique sont ce que l'Alliance désigne comme autant de nouvelles menaces. D'aucuns mettront en relief cette volonté d'aller de l'avant sans prendre en considération les conflits actuels dont le règlement pourrait et même devrait aider sinon atténuer la portée et l'ampleur des nouvelles menaces. On se plait à souligner dans les milieux officiels l'effort de transparence et d'inclusion aux différents partenaires (ceux du dialogue méditerranéen, ou de l'initiative d'Istanbul) dans l'élaboration du nouveau concept stratégique. Bien entendu, l'accent a été mis sur trois aspects : défense et dissuasion collective, la gestion des crises et la promotion de la paix et de la sécurité internationale. Ou encore souligner à l'intention de ces différentes parties que le document en question reflète également l'importance accordée par l'OTAN aux partenariats, non seulement sur le continent européen ami, mais également à un niveau plus global et plus particulièrement à la région Méditerranée et à celle du Golfe. La partie sur les partenariats mentionne clairement la volonté de l'OTAN de les renforcer, tout en respectant la spécificité de chaque partenariat et en consultation avec les partenaires. Parmi les questions soulevées par ce texte, celle du financement se pose sérieusement. Comment faire plus et mieux pour la sécurité commune, mais avec moins d'argent ? La crise économique a imposé des restrictions et dicté des réorientations en matière d'affectation des ressources. En ce sens, l'Alliance s'apprête à rationaliser au maximum ses dépenses, et cela passe par une réduction du nombre des quartiers généraux et des agences spécialisées et par un allégement des effectifs. Voilà comment une organisation a pris un coup de jeune. En repoussant ses frontières, elle a redessiné celles de l'Europe, ce que cette dernière refusait obstinément de faire pour bloquer de nouvelles adhésions. Contrairement à l'ONU, à laquelle elle ne peut se substituer, elle dispose de ses propres forces armées, un commandement spécifique. Elle a pris sur elle d'anticiper sur les nouvelles menaces, mais celles-ci ne sont-elles pas souvent liées aux conflits actuels, et à toutes les formes d'injustice ?