Des enfants accomplissent des tâches éprouvantes dans les marchés de Bouira, en violation de toutes les lois en vigueur. L'Etat a certes mis en place une panoplie de dispositions en matière de lois nécessaires pour la préservation et la défense des droits des enfants dans notre pays, mais celles-ci ne réussissent pas vraiment à endiguer l'exploitation de ces derniers, souvent recrutés pour accomplir des besognes les plus pénibles. Le phénomène s'amplifie et prend des proportions dangereuses dans la plupart de nos centres urbains, comme c'est le cas dans la wilaya de Bouira où, de nos jours, l'exploitation d'enfants pauvres issus de familles relevant de couches sociales démunies, est frappant. C'est ce que l'on peut constater au niveau du marché de gros de fruits et légumes de ce chef-lieu de wilaya. En effet, des adolescents, d'à peine 15 ans pour la plupart, y travaillent pour le compte des commerçants qui les exploitent à outrance. Sur les lieux on pourrait se rendre compte que ces adolescents, dont beaucoup sont des exclus du système scolaire, ont quitté leurs établissements éducatifs pour diverses raisons, tels que le manque de fournitures scolaires et autres moyens, ne travaillent pas seulement en périodes des vacances, mais plutôt toute l'année durant. Un samedi, jour de marché, rendez-vous est pris par nos soins avec Samir, un commerçant. Notre guide nous attendait en ville, tout prés de la cour de justice de Bouira. Là, des enfants vendaient des glands et des épices à même le trottoir. Quelques balades à travers la zone et nous voilà à Aïn Turc, un chef-lieu communal situé à 5 km de la ville de Bouira. A la sortie-ouest, c'est l'entrée du marché de gros où des dizaines de camions et autres véhicules immatriculés de diverses wilayas du centre (Blida, Médéa, Tizi-Ouzou et Alger) sont chargés de fruits et de légumes. Les propriétaires attendent patiemment. Les commerçants de détails affluent et négocient les prix. Marché conclu. Un commerçant acheteur interpelle deux enfants pour lui prêter main forte en déchargeant eux-mêmes la marchandise. Approché, le marchand nous dira que ce garçon est son fils. «Je l'occupe ici pour m'aider au lieu de vagabonder ailleurs. Surtout, pour ne pas me causer de problèmes, je préfère le voir ici devant moi», ajoute-t-il. Notre accompagnateur nous explique que certains chefs de familles ignorent tout des conditions dans lesquelles leur progéniture évolue et gagne de petits sous. Ils ne se soucient guère de leur état de santé ni des conditions de travail dans ce marché. Qu'il pleuve ou qu'il fasse 40° à l'ombre, ces adolescents sont toujours là à exécuter le travail des adultes. «Ces enfants travaillent durement en accomplissant des besognes qui dépassent leurs capacités physiques», fait remarquer Samir l'autre commerçant. L'exploitation des enfants gagne de plus en plus de terrain à Bouira. Pour ces derniers, l'important c'est de gagner de l'argent pour aider et subvenir aux besoins de leurs familles tout en s'efforçant à assurer pour eux-mêmes des fournitures scolaires. C'est le cas de Nazim, 14 ans, scolarisé dans un CEM de la ville de Bouira, qui, manches retroussées, se prépare à décharger des caisses d'un camion pour les déposer dans une camionnette. Après avoir déchargé une vingtaine de cageots de fruits, il nous dira que «cela fait des mois que je me lève très tôt, soit à 4h30 pour être à l'heure afin de décharger ou de déplacer des caisses de fruits et de légumes. J'arrive à gagner jusqu'à 800 DA pour cette tâche», précise-t-il. Issu d'une famille nécessiteuse vivant au quartier Ouled Bouchia, Nazim nous apprend que tous ces enfants sont issus de familles défavorisées, ironisant : «Vous ne trouverez pas quand même ici le fils d'un directeur ou d'un haut responsable accomplissant une tâche aussi pénible !». Il indique qu'il a un ami qui livre des sachets en plastique au marché et un cousin qui vend de la galette maison aux abords de l'autoroute avec tous les risques et dangers qu'il encourt. Nazim précise qu'il gagne moins d'argent pendant les vacances, car beaucoup d'ados y viennent travailler, d'où une certaine concurrence. D'autres commerçants paient misérablement des enfants pour ramasser des produits tombant des cageots. L'absence du contrôle des services compétents, tels que l'inspection du travail et les services de sécurité, favorise l'exploitation des enfants par des commerçants. Au bout de quelques heures de travail, Nazim constate que c'est l'heure de rejoindre son CEM, et s'en va reprendre ses cours. Interrogé à propos du travail des enfants, le directeur de l'inspection du travail dira que ce phénomène est en nette progression, non seulement à Bouira, mais aussi à travers toutes les villes du pays. Sans statistiques et sans précisions, le même responsable avoue que son institution n'intervient pas dans de telles situations. Celle-ci n'agit, généralement, que pour régler des litiges entre l'employeur et le travailleur, précisant qu'au niveau du marché, les inspecteurs de travail ne peuvent pas intervenir dans ce type de pratique. Il nous apprend cependant que la législation du travail en Algérie stipule en son article 15 que l'âge minimum requis dans un recrutement ne peut être inférieur à 16 ans.