Récemment, un hydroglisseur a été retrouvé à l'Ouest, près de Mostaganem, ville connue pour être l'une des rampes de lancement favorite des harraga. Les services de sécurité ont étudié l'objet sans parvenir à comprendre sa fonction exacte. Passeurs de drogue ? Transport clandestin ? Nouvelle mode de gosses de riches ? Ou simplement un nouveau moyen, plus moderne et plus sûr, de rallier la côte sud à la côte nord ? En tout état de cause, l'hydroglisseur a été saisi par l'Etat et rangé avec la panoplie d'objets qui dérangent. Selon des rumeurs, il y aurait d'ailleurs un entrepôt dans le fin fond du désert où l'Etat range les objets gênants ou étranges et les pièces à conviction qui montrent l'horrible nature du régime. Dans cet entrepôt étroitement surveillé, on trouverait de tout : le cadavre de Amirouche, la liste des biens à l'étranger des ministres, l'arrêté du procès de la Cour des comptes contre Bouteflika, des DVD sur les excentricités de hauts responsables, le portable de Khalifa, la valise diplomatique de Chakib Khelil et le bulletin scolaire de Abdelhamid Temmar. On dit même qu'il y aurait dans cet entrepôt l'arme qui a servi à tuer Boudiaf et la corde qui a servi à pendre Abane Ramdane. Ce véritable musée de la honte ne sera pas ouvert au public et même Khalida Toumi n'exigera pas sa réfection. En termes d'histoire et de son écriture, la ministre vient d'ailleurs d'instaurer une autorisation préalable du gouvernement pour qui voudrait faire un film sur la guerre d'indépendance. Comme si l'histoire lui appartenait. Comme si la guerre de Libération était à son nom. Comme si le million et demi de martyrs étaient ses employés. Rien ne sert de commenter cette nouvelle mesure bureaucratique, liberticide et castratrice, mais un jour peut-être, elle, comme tous ces ministres qui estiment que le pays, passé, présent et futur leur appartient, se retrouvera dans l'entrepôt. Il faut reconnaître une chose aux harraga, leur courage et leur inventivité. Braver les garde-côtes, risquer la prison, survivre à des tempêtes, payer 100 000 DA, avoir des connaissances en navigation, s'équiper de GPS. A terre, rien de nouveau. Finalement, contrairement aux autres qui ont bénéficié du soutien de la population, le jeune non-jeûneur d'Oum El Bouaghi a été condamné à deux ans de prison ferme, sa peine venant d'être confirmée par l'arrêt de la cour. Pour avoir mangé un sandwich à midi, il passera donc deux longues années en prison à manger de la soupe. Au-delà de ces considérations purement alimentaires, que lui dire à sa sortie de prison ?