Entourée de deux de ses proches collaborateurs, la mine déconfite et les traits tirés, résultat d'un trop plein de débauche d'énergie et de longues nuits blanches, la directrice de la santé de Mila, Mme Zeghileche Dalila, est revenue longuement, lors d'une conférence de presse organisée tard dans la soirée du 10 novembre, sur les mémorables péripéties de l'angine diphtérique ayant ponctué une fin de Ramadhan et un Aïd El Fitr insipides et exceptionnellement éprouvants. Elle parlera du dispositif, ou plutôt du plan de guerre mis en place à la suite du décès d'une femme du douar Meghelssa (à l'est de Chelghoum Laïd) sur laquelle on détecta les symptômes de l'angine diphtérique. La mort de A. Dalila, le 26 du mois précédent, sonnera le tocsin des structures sanitaires de Chelghoum Laïd et provoquera la panique de la population. Notre interlocutrice réagira en coupe-feu aux élucubrations fantaisistes de certains titres et confirmera que le seul foyer d'épidémie, à savoir douar Meghelssa, a été systématiquement mis en quarantaine. Les seuls cas porteurs de la maladie qui y ont été décelés, dira-t-elle, sont au nombre de cinq : trois cousins, un porteur sain (la fille de la victime) et la victime elle-même. Elle passera aisément d'un sujet à un autre au gré des questions posées, mais cette fois-ci avec une tonalité autrement plus ferme et limpide, arrivant même à risquer de temps à autre un petit sourire. Le sourire de la satisfaction morale et du devoir accompli. La DSP de Mila ajoutera que les services sanitaires ont adopté une tactique efficace qui consiste à effectuer des interventions massives et rapides (prélèvements systématiques aux domiciles-mêmes des malades). Le secteur de la santé a dû ratisser large face au fléau en application des instructions du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Une véritable course contre l'incubation est engagée. Le programme élargi de vaccination (PEV) mis en œuvre en direction du secteur sanitaire de Chelghoum Laïd, qui coiffe les daïras de Chelghoum Laïd, Teleghma et Tadjenanet, soit neuf communes, a touché 28 787 enfants sur 25 000 (de 1 à 5 ans), une population adulte estimée à 249 776 sur 182 234 et 66 508 scolarisés sur 66 567. Soit un total de 345 071 vaccinations (sans limite d'âge) sur une population globale de 273 801 et un taux de l'ordre de 126%. Programmée sur 10 jours, l'opération de vaccination entamée tambour battant le 1er novembre dernier a été officiellement close le 7 du même mois à midi. Le processus préventif mis en branle a impliqué 210 points sanitaires, 14 équipes mobiles, 336 agents (tous corps médicaux confondus). Toujours concernant le seul secteur sanitaire de Chelghoum Laïd, la campagne préventive a aussi ciblé les 176 établissements scolaires, dont 137 écoles primaires, 29 CEM et 10 lycées. A notre question si le programme de vaccination, qui n'a touché que la tranche d'âge de 3 mois à 18 ans, s'agissant du secteur sanitaire de Mila, qui englobe 3 daïras et 9 communes, tout comme celui de Ferdjioua, avec 7 daïras et 15 communes, obéit aux orientations de la tutelle, la conférencière répondra par l'affirmative. Et de renchérir : « Les populations de ces deux secteurs ont été vaccinées par mesure de précaution. Il ne s'agit pas de vacciner à tout bout de champ, mais de renforcer l'immunité en augmentant le taux protecteur de la population, notamment chez les jeunes. La maladie qui est transmissible par le bacille diphtérique est certes interhumaine, mais on a pu la circonscrire à la seule microépidémie de Meghelssa. Le danger est écarté et il n'y a pas le feu. » En tout état de cause, ajoutera-t-elle, l'épidémie est suivie d'une démarche selon la spécificité démographique, les caractéristiques sociales et la typologie épidémiologique de la région. Se voulant rassurante, elle martèlera, en outre, que la stratégie préventive aura été tout autre si l'épidémie s'est déclarée à Mila ou Ferdjioua. Interrogée sur les risques que constituent les énormes flux migratoires induits par les marchés hebdomadaires d'El Eulma, Tadjenanet et le marché de gros de Chelghoum Laïd, et partant, si des dispositions spéciales ont été prises en ce sens, elle affirmera que cette préoccupation est justement prise en charge à titre préventif à travers l'extension de la vaccination aux secteurs sanitaires de Mila et Ferdjioua. La directrice de la santé nous confirme enfin que le cas suspect qui s'est déclaré dans la région de Taher (wilaya de Jijel), un jeune de moins de 18 ans, tout comme une vieille dame de Oued Athmenia évacuée pour cause d'angine suspecte, n'ont pas développé le moindre symptôme de l'angine diphtérique. Une campagne de consolidation du vaccin (rattrapage) sera reconduite dans un mois, apprend-on. Des représentants des ministères de la Santé et de l'Intérieur, en visite dans la wilaya de Mila, le 8 novembre 2005, ont acheminé un lot de 500 000 doses de vaccin. Mais le plus ahurissant aura été sans conteste cette disposition de rétorsion prise par les directions des cités universitaires Ali Mendjeli et 2000 Lits sous forme d'un communiqué gras astreignant les étudiants et étudiantes de la wilaya de Mila à la production d'un certificat de vaccination préalable à l'accès à leurs résidences respectives. Une discriminatoire qui fera pâlir d'envie les adeptes avérés de l'apartheid.