Depuis les temps immémoriaux, les civilisations se sont toujours préoccupées de rappeler la postérité, à travers stèles, statues, plaques apposées sur les murs, sites et monuments, des événements ayant marqué la cité. Que cela soit pour immortaliser de hauts faits d'armes, perpétuer la mémoire de glorieux personnages ou encore préserver le témoignage évocateur des édifices séculaires censés répondre aux besoins touristiques, l'espace urbain est supposé profiter, entre autres, à la connaissance des faits historiques. Mais lorsque le voyageur arpente le dédale de la cité d'Ibn Mezghenna, la «mémoire de pierre» reste sourde et aphone. Elle ne raconte pas l'histoire et semble refuser d'apporter sa contribution aux saillies de l'histoire. En termes clairs, nombre de stèles, statues, édifices et sites historiques, érigés dans les espaces publics, ne renseignent pas, ou très peu, le curieux sur la charge symbolique qu'ils renferment. A l'image du monument dédié aux morts dans le parc de l'Horloge florale, remis au goût du jour de l'Indépendance nationale et propulsé dans l'air du temps de la révolution agraire, dans les années soixante-dix et quatre-vingts du siècle dernier. Cette stèle, qui décline un ornement en bas-relief d'épis de blé rehaussés de deux poings libérés du joug colonial, ne comporte aucune inscription pour les générations futures, sinon des graffitis traçant de vulgaires graphies. Même décor au parc Beyrouth (ex-Mont-Riant), îlot de repos où des statues moisies sont déclouées et des pans de marbre sculptés arrachés par l'outrage du temps et l'incurie de l'homme. Plus bas, dans l'entité écologique du parc Sofia, l'on s'interroge sur la signification de l'ouvrage — statue allégorique représentant une femme — et le sort réservé aux deux gazelles en sculpture trônant sur la pelouse. Sans oublier le monument édifié, à un jet de pierre de la Grande-Poste, à la mémoire de la glorieuse équipe FLN et abandonné à son triste destin, ne serait-il pas judicieux d'apposer une plaque épigraphique résumant la mort en mai 1957, d'Algériens fusillés au Hamma, dont une des rues porte la dénomination éponyme ? Dans ce sillage, les plaques toponymiques du défunt gouvernorat du Grand-Alger ne sont pas moins truffées de bourdes, dans le fond et dans la forme. Aussi, théâtre de tant d'événements historiques et creuset culturel, la médina de Sidi Abderrahmane est vide d'indications historiques. N'est-ce pas que la mythique Dar El Maâkra, le cimetière des Princesses, zankat Bouâqacha, zaouïate Sidi Bougueddour, Dar Essouf, qahouet Saci sont autant de lieux de mémoire susceptibles de renseigner le touriste sur notre patrimoine matériel et immatériel et d'entretenir la mémoire collective ?