Dans quelques jours, une enquête d'envergure nationale va être déclenchée, non pas sur la corruption ou le harcèlement sexuel, mais sur «comment vivent les Algériens ?». On serait tenté de répondre rapidement par «mal» et éviter ainsi des dépenses superflues. Des centaines d'enquêteurs et d'enquêtrices de l'ONS, l'Office national des statistiques viendront frapper à vos portes pour voir comment vous vivez. Les plus paranoïaques croiront à une enquête du DRS pour connaître vos opinions politiques et votre classement sur l'échelle de la contestation. Les plus suspicieux n'ouvriront pas, les plus superstitieux répondront par l'entrebâillement de la porte qu'ils vivent très mal, pour éviter le mauvais œil. Les plus avides demanderont de l'argent avant tout début de réponse et les plus pervers répondront à toutes les questions si l'enquêteur est une enquêtrice entre 20 et 30 ans. Mais une fois les données recueillies, les analystes de l'ONS devront répondre à cette question : pourquoi les riches, qui vivent bien par définition, caressent le même rêve que les pauvres, à savoir partir ? Et la quantité compense-t-elle la qualité quand on sait que les Algérien(ne)s vivent longtemps, leur espérance de vie étant proche des standards européens (du Sud), mais vivent mal sur le plan de la qualité ? Alors qu'ailleurs, si on ne vit pas longtemps, c'est que l'on vit mal, et inversement ? Si on l'écoutait, l'Algérien vivrait mal. Si on écoutait les rapports internationaux sur le développement humain, l'Algérien vivrait mal. Qui écouter ? Peut-être l'ONS, qui donnera à l'issue de cette enquête une base sérieuse de travail. Mais ne pourra pas expliquer, car ce n'est pas dans ses attributions, comment un pays si riche a réussi à rendre son peuple si malheureux ? A quand un organisme chargé de faire une enquête auprès des dirigeants pour voir comment ils vivent et pensent ?