La communauté copte d'Egypte craint d'être de plus en plus marginalisée par un islamisme qu'elle dit être encouragé par l'Etat, bien que l'opposition islamiste ait été balayée lors des législatives, dont le second tour se tient dimanche. «La discrimination à l'égard des coptes est systématique et étendue en Egypte. On la trouve dans la bureaucratie gouvernementale, les tribunaux, la police et les universités», affirme Emad Gad, du Centre Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques. «La discrimination ne vient pas seulement du gouvernement», mais «le gouvernement a réussi à islamiser la société (...) «Ils utilisent la religion pour obtenir le soutien des gens», ajoute-t-il, parlant d'«un système bureaucratique fanatique». «Rien que pour réparer le vitrail d'une église, vous devez obtenir la permission du gouvernement. Si vous voulez construire une mosquée, vous pouvez l'obtenir en un rien de temps», dit-il. Les Egyptiens sont appelés aux urnes dimanche pour le second tour des législatives qui ont d'ores et déjà consacré la suprématie du Parti national démocrate (PND, au pouvoir) aux dépens des Frères musulmans, principale force d'opposition qui n'a remporté aucun siège et a annoncé son retrait. Malgré cela, beaucoup craignent qu'une forte tendance islamiste ne vienne désormais de l'intérieur du PND. Vendredi, une candidate copte du parti libéral Wafd, malheureuse au premier tour, a mis sa défaite sur le compte d'une fraude au profit de sa rivale du PND, accusant un «courant extrémiste» de la formation du président Hosni Moubarak de vouloir mettre les chrétiens à l'écart. Seuls trois chrétiens ont remporté un siège lors du premier tour, sur 221 attribués. Leur représentation, limitée à quelques sièges dans l'Assemblée sortante, devrait rester encore très en-dessous de leur poids démographique (6% à 10% de la population). Des incidents confessionnels surviennent régulièrement pour divers motifs en Egypte. A quelques jours du premier tour, de violents heurts ont eu lieu à Guizeh entre des manifestants coptes et la police après que les autorités locales eurent refusé la transformation d'un centre communautaire en lieu de culte. Deux chrétiens ont été tués, des dizaines blessés, et plus de 160 arrêtés. Des contre-manifestants musulmans avaient crié des slogans anti-coptes en lançant des pierres. Naguib Guebraïl, un avocat et militant copte, dit être déçu par la réponse «très agressive» du gouvernement à ces événements. «Le PND promet depuis 15 ans qu'il va changer les choses (...) Ils ont par exemple promis qu'ils modifieraient la loi régissant le droit à construire des églises, et ce n'est jamais arrivé», a-t-il regretté. Mais, d'après M. Guebraïl, la discrimination contre les coptes va bien au-delà. Il évoque notamment un système d'enseignement entièrement islamisé, la difficulté pour les chrétiens d'accéder à des postes au gouvernement et le fait que des pamphlets anti- coptes soient publiés impunément. Tout en affirmant que les chrétiens ont de bonnes raisons de se sentir marginalisés. Le politologue, Mustapha Kamel al-Sayyed, estime que cette islamisation ne vient pas du gouvernement, comme le prouve la répression contre les Frères musulmans. «Je pense que c'est l'expression d'une tendance qui affecte plusieurs pays musulmans. C'est une menace pas seulement pour les coptes, mais pour ceux qui ne partagent pas les idées des islamistes», juge-t-il. Dans un rapport publié en novembre, le département d'Etat américain s'est plaint de l'état des libertés religieuses en Egypte, évoquant des minorités comme les chrétiens qui «subissent des discriminations collectives et personnelles».