La monde associatif militant pour la défense de la nature et d'autres causes en Algérie est appelé à adhérer à la mobilisation accrue, observée ces derniers jours, un peu partout dans le monde, autour de la lutte contre la surpêche et la surexploitation du thon rouge. En effet, l'Association nationale de protection de l'environnement et de lutte contre la pollution (ANPEP) vient d'être saisie par le réseau citoyen mondial Avaaz à l'effet de s'allier aux actions de sensibilisation engagées depuis le 17 novembre, date coïncidant avec la tenue, à Paris, du 17 au 27 novembre, de la 17e réunion extraordinaire de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique ICCAT. «Le thon rouge est menacé de disparition. Ce poisson majestueux est au cœur de la chaîne alimentaire marine - sans lui, les écosystèmes océaniques pourraient s'effondrer. Mais le sommet crucial de Paris pourrait être l'occasion unique d'obtenir un plan vital pour la survie de l'espèce, si nous nous mobilisons partout dans le monde», prévient le réseau Avaaz, fort de près de six millions de membres issus de 13 pays du monde, dans un communiqué parvenu à notre rédaction le week-end dernier. Un marché informel estimé à 4 milliards de dollars L'Algérie, comme le reste des pays de l'Atlantique et la Méditerranée dont la population de thon rouge est menacée de disparition totale, est appelée à prendre les mesures nécessaires pour se dépêtrer de l'emprise d'une poignée de puissants pêcheurs industriels qui contrôlent le marché mondial informel, estimé à plus de 4 milliards de dollars, le prix d'un thon pouvant aller jusqu'à 100 000 dollars. Un enjeu autour duquel les intervenants dans la grande pêche industrielle se livrent bataille où l'Algérie a toujours brillé par son absence, car étant «sous-armée» avec une flottille quasi-inexistante. Faisant de son quota annuel, fixé par l'ICCAT, l'objet des convoitises de plus d'un parmi les pays voisins ou autres. Ainsi, lors de la réunion de Paris, plusieurs pays présents avaient postulé pour les 616 tonnes de thon rouge, représentant le quota de l'Algérie pour la campagne 2011, légitimant leur revendication par son sous-équipement pour ce type de pêche. Et ils ont fini par avoir gain de cause puisque, notre pays n'aura finalement droit qu'à 138 tonnes, les 478 tonnes dont a été amputé son quota pour 2011, ont été partagées entre 4 pays : 300 t pour la Libye, 100 t pour la Turquie, 48 t pour la Croatie et 30 t pour l'Egypte. Interrogés à ce propos, plusieurs hauts responsables du secteur de la pêche, à l'image de Zaïd Ammoura, restent tout de même optimistes quant à une reprise effective de la pêche au thon rouge dans notre pays avec le renforcement attendu de sa flottille. Ce qui va permettre aux pêcheurs nationaux de mettre à profit le savoir faire capitalisé auprès des étrangers. Et pour cause, expliquent-ils, contrairement aux précédentes années quand les étrangers étaient autorisés à intervenir dans les eaux sous juridiction nationale pour ce type de pêche, notre pays a, depuis 2010, la possibilité de pêcher le thon rouge avec les quotas arrêtés par l'ICCAT mais, sans pouvoir l'exporter, la production devant être exclusivement destinée à la satisfaction du marché national. Partant, les thoniers étrangers ont été exclus de la pêche du thon rouge au large de nos côtes. De son côté, le président de l'ANPEP, M Halimi, s'interroge, quant à lui, sur les véritables raisons de la partialité de l'ICCAT envers les puissants cartels de la pêche au thon rouge. Le réseau Avaaz a déjà un début de réponse en pointant du doigt certains pays dont l'influence est avérée, «le Japon, qui consomme 80% du thon rouge, appelle à l'action, mais d'autres pays mettent en doute la sincérité de sa position. Quand à l'Europe, elle est profondément divisée et subit la pression de la France et des pays méditerranéens, alliés des puissants cartels de la pêche», explique-t-il. Aussi, le constat qu'il a établi est révélateur d'une situation plus que dramatique induite par la surpêche et la surexploitation de ce poisson migrateur. La population de thons rouges de l'Atlantique a chuté jusqu'à atteindre seulement 15% de son niveau historique. Les pêcheurs trompent les régulateurs avec des données falsifiées, contournent les systèmes de contrôle, se livrent à une surpêche endémique pour finalement vendre illégalement et hors régulation des poissons non recensés, est-il relevé dans le communiqué d'Avaaz. Celui-ci en impute la responsabilité, en premier lieu, à l'ICCAT en sa qualité d'organisme mondial de régulation, de par la politique de l'autruche à laquelle elle s'est toujours livrée et qui a montré toutes ses limites. «Tous ceux qui ont la responsabilité de préserver des stocks de thon durables ont jusqu'ici échoué. L'ICCAT a ignoré les recommandations de ses propres scientifiques appelant à un moratoire sur la pêche au thon rouge», regrette le mouvement citoyen mondial. En second lieu, c'est la Commissaire européenne qu'il pointe du doigt, car ayant elle-même subventionné des bateaux équipés spécialement pour la surexploitation de ce poisson dont le rôle écologique est vital, note-il. Deux pays européens, l'Italie et la France, ont été cités en particulier pour avoir dépassé illégalement les quotas définis par l'ICCAT en termes de commercialisation. Les juteux profits générés vont aux caisses d'une toute petite élite de la pêche industrielle ultrasophistiquée qui exploitent des navires suréquipés- les thoniers senneurs - et des fermes d'élevage. Des pratiques mettant en péril l'avenir des autres communautés de pêcheurs qui voient leurs moyens de subsistance s'amenuiser considérablement. Et les conséquences pourraient être désastreuses à l'échelle planétaire, mettent en gardent les auteurs du communiqué : «Ce pillage nous affecte tous : comme les thons rouges se situent presque au sommet de la chaîne alimentaire marine, leur extinction pourrait entraîner un effet domino aux conséquences désastreuses. Pour dire les choses simplement: sans les grands poissons prédateurs, les poissons moyens mangeront tous les petits poissons, et il ne restera plus personne pour manger les micro-organismes. Cela signifie qu'en l'espace de quelques décennies, nos océans pourraient devenir des cimetières géants», y ont-ils écrit. Le Japon, le plus gros consommateur de thon rouge Dans le grand échiquier, toujours d'après la même source, le Japon qui consomme à lui seul 80% du thon rouge pourrait jouer un rôle déterminant en plaidant pour un plan d'actions plus sérieux en faveur de la préservation de cette espèce. Pour appuyer leurs dires, les membres d'Avaaz évoquent la récente déclaration de l'Agence Japonaise pour la Pêche où elle fait savoir que les consommateurs japonais sont favorables à une consommation moins accrue de thon rouge. Quant au groupe Mitsubishi, l'un des plus gros acheteurs de thon rouge du monde, il a annoncé son engagement à garantir la reconstitution des stocks, soutenir les sanctuaires de frai, et réduire ses achats afin de permettre le sauvetage des populations menacées. En revanche, la France - pays hôte du sommet de l'ICCAT, et qui vient de s'engager à exploiter les stocks de poissons de manière durable lors de la conférence mondiale sur la biodiversité au Japon - est, quant à elle, loin de donner l'exemple: bien au contraire, elle appelle au maintien du quota de pêche actuel pour protéger une poignée de puissants pêcheurs industriels, regrette le réseau Avaaz. «Nous ne pouvons laisser un tel enjeu aux mains des politiciens et des acteurs du marché du thon seulement. Il est temps d'exprimer notre indignation et de dénoncer ceux qui, de manière scandaleuse, se rient des accords internationaux. A nous d'exhorter l'ICCAT à prendre des mesures urgentes pour réduire les quotas de pêche de moitié (au moins), mettre en ouvre des règles efficaces, transparentes et coercitives, sanctionner les pays qui violeraient ces accords, et créer des réserves de frai protégées», conclut le communiqué d'Avaaz en s'adressant aux ONG, associations et mouvements citoyens algériens à l'effet de les sensibiliser sur la nécessité de s'engager activement dans la lutte contre la surpêche et la surexploitation du thon rouge. Car si de telles pratique et négligences se poursuivent, cela se traduirait, dans un proche avenir, par une extinction pure et simple de l'espèce, met-il en garde.