Depuis le début des émeutes dans les banlieues françaises, en Algérie, en dehors des médias qui informent et commentent cet événement qui commence, par sa durée, à inquiéter sérieusement les autorités françaises, il y a comme un embarras dans la classe politique algérienne et dans les cercles officiels à faire la moindre déclaration sur cette crise. A l'appui de cette attitude en apparence distante par rapport à ces événements dans laquelle se réfugient les autorités algériennes, on avance un argument imparable : l'Algérie n'a pas à intervenir dans un conflit franco-français au risque d'être accusée d'ingérence dans les affaires intérieures françaises, laisse-t-on entendre. Et pourtant, directement ou indirectement, la situation que traversent les banlieues françaises où vit un grand nombre de nos compatriotes de la première génération d'immigrés ainsi que leurs enfants de la seconde génération qui sont nés français, qui le sont devenus ou qui ont opté pour la nationalité de leurs parents pour ceux qui ont gardé la nationalité algérienne et qui constituent la majorité, cette situation interpelle vivement l'Etat algérien. La France s'apprête à expulser vers leurs pays d'origine, donc probablement aussi vers l'Algérie, des jeunes impliqués dans ces événements et condamnés par la justice française. Cette décision remet au goût du jour une ancienne disposition du code pénal français relative à l'application de la double peine abrogée à l'instigation de Sarkozy lors de son premier passage au gouvernement au poste de ministre de l'Intérieur. Les premières mesures d'expulsion devaient tomber hier avait averti le ministre de l'Intérieur. Le tollé provoqué par cette mesure au sein des organisations de lutte contre les discriminations raciales et les milieux de gauche en France qui ont organisé une imposante manifestation pour dénoncer ce grave dérapage sera-t-il pris en compte par le gouvernement français et incitera-t-il les autorités françaises à surseoir à cette décision, qui ne fera sans nul doute qu'envenimer encore davantage la situation dans les banlieues en créant un nouvel abcès de fixation ? Si les menaces d'expulsion des émeutiers présentés et condamnés par la justice sont mises à exécution , l'Algérie aura très certainement son lot de ressortissants parmi les jeunes immigrés impliqués dans ces émeutes qui seront touchés par cette mesure. Le ministre de l'Intérieur avait averti qu'il ne fera aucune différence dans le traitement des dossiers des prévenus présentés à la justice. Qu'ils soient en situation irrégulière ou régulière, les jeunes émeutiers qui tomberont sous le coup d'une condamnation judiciaire n'auront plus leur place en France. Beaucoup de jeunes feront très certainement les frais d'une justice expéditive qui rend le droit sous la pression des événements qui agitent les banlieues françaises et sous état d'urgence avec tout ce que cela peut supposer comme dépassements et situations d'arbitraire contre lesquels il n' y a aucun recours possible. Les dossiers sont instruits dans l'urgence et les condamnations seront immédiatement exécutoires si la justice donne de la voix aux menaces de Sarkozy de procéder aux premières expulsions dès hier. Les représentations diplomatiques algériennes à l'étranger et donc,dans le cas qui nous intéresse ici, en France, ont pour mission de protéger les intérêts matériels et moraux de nos ressortissants. Qu'est-ce qui est fait au niveau diplomatique, par les services juridiques de nos représentations consulaires, pour assister ces jeunes qui sont dans de nombreux cas des mineurs, et dont beaucoup ont été involontairement entraînés dans ces violences ? Un Etat fort et respecté par ses concitoyens est un Etat qui n'abandonne pas ses ressortissants, en toutes circonstances. Tous ces jeunes « beurs », comme on les appelle, nés en France , qui ont par conséquent la nationalité française mais qui sont fiers de leur algérianité qu'ils portent en eux comme un bouclier, un sanctuaire pour se protéger contre les actes racistes qui font leur quotidien, devaient très certainement, eux, ou leurs parents, lorgner du côté de l'Algérie en quête d'un soutien sinon politique, du moins moral face à la situation des banlieues. Un soutien qui n'est pas venu et qui ne viendra sans doute pas pour des raisons politiques évidentes que l'on devine. Alors que les deux pays s'apprêtent à signer un « traité d'amitié » dont la perspective évolue en dents de scie, au gré des événements et des relations tumultueuses entre les deux capitales, il serait malvenu pour l'Algérie de mettre le pied dans le plat au risque de remettre en question tout ce qui a été bâti laborieusement entre les deux pays. Le dos rond Lorsque le ministre de l'Intérieur s'autorise à penser que les chances de l'intégration en France sont proportionelles aux origines de l'immigration et soutient mordicus qu'un immigré hongrois, polonais, roumain est plus facilement « intégrable » qu'un Maghrébin, il se place dans une dialectique dangereuse qui s'appuie sur un argumentaire fondamentalement politique pour ne pas dire raciste . Un tel raccourci fait bien évidemment l'impasse sur l'histoire de l'immigration maghrébine, dont l'immigration algérienne qui a son histoire, laquelle ne peut être occultée par des formules incantatoires en pointant un doigt accusateur sur cette immigration accusée aujourd'hui de tous les maux dont souffre la France. Il ne s'agit bien évidemment pas de cautionner les actes de violence dont les banlieues françaises sont le théâtre depuis près de deux semaines, des actes condamnables, mais les autorités algériennes auraient pu et dû intervenir par des voies diplomatiques et des actes concrets pour protéger les intérêts matériels et moraux ainsi que la dignité des Algériens vivant en France. Qu'ils aient la nationalité algérienne ou qu'ils soient français issus de parents algériens revendiquant fièrement leur algérianité comme on l'a vu lors du match Algérie-France au Stade de France. Si l'Etat algérien fait le dos rond et se tait devant les mesures d'expulsion qui vont frapper ses ressortissants sans chercher à savoir de quoi il retourne exactement, s'il ne réagit pas devant l'amalgame qui est fait aujourd'hui entre l'immigration et l'insécurité dans les milieux politiques qui ratissent désormais au-delà de la clientèle et des militants de l'extrême droite, dans les rangs de la droite conservatrice comme de la gauche socialiste, cela va indubitablement donner des ailes et du crédit aux forces qui prônent « l'immigration zéro » et la préférence française. Avec ces événements, ces milieux évoluent sur du velours à quelques encablures des prochaines échéances présidentielles françaises.