Dans un mémo confidentiel de l'ambassade américaine au Caire, il semblerait que la situation égyptienne ressemblait à celle de septembre 1981, date à laquelle des rumeurs avaient couru sur «la folie» d'Anouar Sadate lorsqu'il s'est mis à mettre en prison tous les opposants et tous ceux qui critiquaient son régime. L'Après-Moubarak en Egypte paraît incertain. Le constat est établi dans un mémo confidentiel de l'ambassade américaine au Caire, daté du 23 septembre 2007, et portant le titre de : «L'Egypte en transition, Sadate et Moubarak». L'analyse semble avoir été faite après les fortes rumeurs sur la détérioration de la santé du président égyptien l'été 2007. «Suzanne Moubarak a été obligée de dire publiquement que son mari est en vie», est-il écrit. Pour l'auteur du mémo, la situation égyptienne ressemblait à celle de septembre 1981, date à laquelle des rumeurs avaient couru sur «la folie» d'Anouar Sadate lorsqu'il s'est mis à mettre en prison tous les opposants et tous ceux qui critiquaient son régime. En tout, 1600 personnes ont été emprisonnées. «Même le pape Shenouda III, patriarche des Coptes, a été mis en résidence surveillée. La majorité des Egyptiens est trop jeune pour se rappeler de cet épisode», est-il noté. L'été 2007, les harcèlements des opposants, tels que Ayman Nour et Saâdidine Brahim, avaient commencé. Les appels au changement semblaient agacer le régime Moubarak. D'après le mémo, la fin du règne Moubarak est semblable à celle de Sadate. «Il y a des craintes que la similitude des situations aboutisse aux mêmes conséquences», est-il relevé. Anouar Sadate a été assassiné le 6 octobre 1981 lors d'un défilé militaire au Caire. Il est relevé que Moubarak a mieux géré la situation que son prédécesseur. Comment ? «Il a systématiquement et «légalement» éliminé pratiquement toute l'opposition politique», est-il expliqué. Les résultats des dernières élections législatives, marquées par une fraude massive en faveur d'El Wattani (Parti national au pouvoir), semblent accréditer cette thèse. La machine électorale, menée par une administration sans contrôle judiciaire, a mis à l'écart les Frère musulmans. «Ils sont probablement la seule menace politique réelle pour Moubarak», est-il mentionné dans le mémo. Trois ans après, ce câble diplomatique est d'une incroyable actualité. Il est remarqué que l'actuel maître du Caire a consolidé l'appareil sécuritaire interne fort de 1,4 million hommes. «C'est au moins deux fois la taille de l'appareil qui existait du temps de Sadate. L'omniprésence des services de sécurité et le monopole qu'ils exercent sur l'usage des armes font que tout changement violent paraît difficile», est-il écrit. Dans un autre câble, datant de septembre 2008, il est noté que l'armée égyptienne est toujours puissante, mais commence à connaître le déclin. Une armée qui s'autofinance grâce à une certaine activité économique et commerciale liée, entre autres, au tourisme, à l'immobilier et l'agro-alimentaire. Dans le mémo de 2007, il est souligné que les réformes économiques sont freinées et que la croissance de l'Egypte profite à une partie minuscule de la population. «Presque 17% de la population vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. Cela est presque identique à la situation en 1981. Et 20% des plus pauvres de la population ont reçu 4,8 % du PNB en 2004 et en 2005, tandis que 10% des plus riches ont profité de 30% du PNB», est-il rapporté. Il est noté que si le niveau de vie ne s'est pas «dramatiquement» détérioré, il ne s'est pas amélioré non plus. Selon le même mémo, la crédibilité de Moubarak auprès de l'homme de la rue égyptien est à son plus bas niveau. «Ce manque de confiance des Egyptiens par rapport aux hommes politiques pourrait bien hanter le successeur quel qu'il soit. La transition sera-t-elle plus difficile ? Oui», est-il écrit. Aucun mot n'a été dit dans ce câble sur l'éventualité de Gamel Moubarak comme éventuel successeur à son père, lequel gouverne le pays depuis 29 ans.