C'est une règle bien connue : les ministres ont toujours raison, jusqu'au jour où ils quittent le gouvernement. Dès le départ de l'ex-super ministre de l'Energie, Chakib Khelil, les langues se sont ainsi mises à se délier sur les travers de la gestion de la première ressource du pays. Ce que l'on apprend, au fil des enquêtes des institutions habilitées et publiées dans la presse, dépasse l'entendement : jet privé affrété pour fêter le réveillon de fin d'année, passation douteuse de marchés, abus de contrats de gré à gré et factures astronomiques pour des broutilles. Mais là encore, le scénario semble avoir été écrit à l'avance : ce n'est que lorsque le responsable quitte son département, ou le P-DG son entreprise, que l'on constate l'ampleur des dégâts. L'affaire Sonatrach est ainsi comparable à une valse en trois temps. Au premier tour de la danse, l'ex-ministre plaidait l'ignorance. Il découvrait, disait-il, les frasques des anciens dirigeants de la plus grande compagnie algérienne dans la presse, au même titre que le commun des Algériens. «C'est vous, la presse, qui ne cessez pas de rapporter qu'il y a un scandale qui couve actuellement à Sonatrach. Pour moi, c'est un dossier dit Sonatrach. Ni moi, en tant que ministre, ni vous, la presse, n'avons le droit de qualifier ce dossier de scandale. Vous n'êtes pas des juges», s'exclamait-il. Au deuxième temps de la valse, le puissant ministre, qu'on dit proche du Président, s'est vu éjecter du siège qu'il occupait depuis plus de dix ans. Pendant que les couloirs du ministère de l'Energie et de Sonatrach bruissaient de rumeurs sur l'avenir du ministre et sur une éventuelle installation aux Etats-Unis, Mohamed Meziane, placé sous contrôle judiciaire le 14 janvier 2010 pour des affaires de corruption présumée à Sonatrach n'hésitait plus, selon les rapports publiés dans la presse, à l'enfoncer. Aucune décision, soulignait-il, ne se prenait à Sonatrach sans l'accord de Khelil ou de son parent et chef de cabinet du P-DG de l'entreprise, M. Hameche. Mais au troisième tour, Chakib Khelil est réapparu, rayonnant, démentant tous ceux qui le disaient définitivement mort politiquement. C'était le 10 octobre dernier, lors de la célébration du 50e anniversaire de l'OPEP. A la question des journalistes de savoir s'il craignait des poursuites judiciaires, l'ex-ministre a simplement ri. Le rire de l'ancien homme fort du gouvernement prouve ainsi que nous ne savons rien de cette affaire ni de toutes les autres. L'année qui commence pourrait bien être encore rythmée par les pires scandales économiques, mais Khelil rit toujours, de ce rire allègre et fracassant, lancé comme un énième pied de nez à tous ses détracteurs.