L'année 2010 s'achève comme elle a commencé : vide et sans perspective claire. 365 jours à tourner en rond. Le remaniement de l'Exécutif est devenu un petit événement dans un pays qui change de gouvernement presque chaque année. Le départ de Noureddine Zerhouni du ministère de l'Intérieur paraît une évolution majeure dans un paysage politique figé depuis 1999. La création d'un poste de vice-Premier ministre, taillé sur mesure pour l'ex-colonel des services de renseignement, n'a été suivie d'aucune explication. Six mois après, les Algériens ne savent toujours pas que fait exactement Zerhouni en tant qu'adjoint de Ahmed Ouyahia au Premier ministère. Le même Ahmed Ouyahia prend la parole tous les six mois pour jeter l'opprobre sur les autres. La mise à l'écart de Chakib Khelil du ministère de l'Energie et des Mines est également un fait important. Les scandales de Sonatrach, gérée comme un bien privé, semblent avoir accéléré la déchéance d'un homme réputé proche du président Bouteflika. Déchéance toute relative puisque Chakib Khelil n'a pas répondu de ses actes de gestion devant la justice. L'Alliance présidentielle, composée du FLN, du RND et du MSP, n'a pratiquement rien fait durant l'année pour justifier son existence. Aucun débat, aucune initiative. Ses réunions sont devenues des cérémoniaux bureaucratiques décorés de roses blanches et sucrés aux petits fours. Rattrapé par l'arthrose articulaire, le FLN se débat encore dans une crise. Une guerre civile qui noircit les pages des journaux, comble les creux des jours ennuyeux et permet de croire à l'existence d'«une vie» politique. La dislocation du FLN, réduit à un immense saladier, n'intéresse plus la société. Lorsqu'un parti ferme ses fenêtres pour ne plus écouter les clameurs de la rue, il se mord la queue comme un merlan en colère ! Le mouvement circulaire qui suivra la morsure sera infini. Le RND s'écoute parler et le MSP se noie dans les théories du désespoir. L'opposition doit surmonter les herses à pic et les blocs de béton pour pouvoir dire quelque chose sans être écoutée. L'APN se contente de dire oui, oui, oui… et le Conseil de la nation ressemble à un salon d'hiver. L'argent est consommé sans contrôle et l'APN découvre, sur le tard, qu'il faut demander aux wilayas et aux communes pourquoi les budgets ne sont pas consommés à la fin de chaque exercice. En panne grave d'idées, les gouvernants (faut-il parler de pouvoir ?) gèrent le pays par l'arrosage intensif aux dinars dévalués. Le plan d'équipement public doté «officiellement» de 285 milliards de dollars (presque un quart des réserves de change du Japon !) remplace l'absence d'un projet politique élaboré. Sans vision ni stratégie, ce plan est présenté comme la solution à tous les problèmes, sauf celui de la confiance. Les émeutes qui reprennent à Alger, et qui sont ignorées par la télévision officielle, sont la preuve éclatante qu'il ne sert à rien de jeter l'argent dans des projets sans cohérence et sans objectifs soigneusement étudiés. Les «détourneurs» professionnels de l'argent public seraient probablement les seuls profiteurs des nouvelles rentes et des nouvelles positions, en l'absence d'une réelle volonté de tordre le cou à la corruption. La vacuité politique et l'instabilité économique compliquent l'achat de la paix sociale, même avec des dollars. Reste que le silence profond et prolongé du président Abdelaziz Bouteflika est un indicateur soit d'un malaise politique, soit d'une incapacité à gérer le pays selon les normes actuelles. Le locataire d'El Mouradia donne l'impression de ne s'intéresser à aucun débat, polémique ou problème qui secoue la sphère nationale. Cette manière archaïque de mener les affaires d'un pays jeune alimente les ruisseaux de ceux qui plaident pour un changement global dans le processus de prise de décision. Redonner espoir à la population, remettre l'Algérie sur les rails et suivre la course du monde passent par une remise en cause profonde et urgente de la gestion des affaires publiques. L'Algérie, qui somnole, saura-t-elle surmonter l'immobilisme en 2011 ? Difficile de le savoir, même si l'approche de la présidentielle donne du piquant aux sauces froides d'Alger.