Seule une mobilisation exceptionnelle peut endiguer une fraude déjà préparée par les services spéciaux dont on retrouve les traces à chaque séquence de la phase préparatoire du scrutin partiel du 24 novembre », a déclaré, hier, Saïd Sadi, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) au cours d'une conférence de presse animée au siège central de son parti. En parfait opposant, l'orateur a stigmatisé tous ceux qui, selon lui, veulent la désintégration d'une région, la Kabylie en l'occurrence, par la corruption, la répression et la pollution de ses repères identitaires et dont le maître d'œuvre n'est autre que le DRS (services spéciaux). Sa verve caustique n'a épargné ni les services spéciaux ni les partis au pouvoir et, encore moins, ses traditionnels détracteurs, le FFS. Sadi, qui, jusque-là, n'a pas répondu aux attaques en règle orchestrées par certains cadres du FFS, a saisi cette opportunité pour les descendre en flammes. « Le FFS ne s'est jamais retrouvé dans une telle voyoucratie et je ne m'en réjouis pas », a-t-il souligné. Faisant le diagnostic des élections partielles, l'orateur a déclaré que la machine de la fraude est d'ores et déjà mise en mouvement. Cette fraude, selon lui, se décline sur trois projections : médiatique, politique et administrative. Parlant de la fraude dans son aspect médiatique, le leader du RCD dira que « le pouvoir gère cette échéance à huis clos. Tout se passe comme si la campagne ne concernait pas une région du territoire national. Pas une image des médias audiovisuels n'est venue témoigner d'une élection sur laquelle tout le gouvernement se mobilise ». Pis encore, a-t-il ajouté, « même les médias étrangers qui souhaitent couvrir l'événement rencontrent les pires difficultés pour obtenir leur visa, et ceux qui parviennent à franchir l'obstacle sont, généralement, cautionnés par des relais médiatiques pro-FLN ». Il a cité le cas de Berbère TV qui s'est vu bloquer son matériel à l'aéroport d'Alger depuis le 13 novembre dernier. « Au plan politique, a-t-il expliqué, après avoir tenté de jouer la stratégie des listes indépendantes, le pouvoir s'est rabattu sur le FLN et, dans cette option, il est allé chercher les éléments les plus serviles ». Le chef de file du RCD cite l'exemple de Béjaïa-ville où, selon lui, une personne au parcours politique fantaisiste est investie. « Projeté au départ dans une liste indépendante, l'homme se retrouvera tête de liste FLN sans y avoir jamais milité », a-t-il soutenu. Suite à cette « manœuvre grossière », poursuit l'orateur, les militants du FLN, pourtant réputés pour leur docilité, se rebiffent et ferment le siège pendant neuf jours de campagne. Ils seront tous convoqués par le DRS et menacés des pires sanctions s'ils n'ouvrent pas leurs locaux et qu'ils n'assument pas leur nouveau patron ». Manipulation Pour Sadi, le pouvoir, à travers ces manœuvres, ne cherche pas à contrôler politiquement la région, mais de la défaire par une stratégie de contre-développement. Saïd Sadi a fait état de l'implication de l'administration locale dans une entreprise de perversion du scrutin par la fraude. Il a révélé que « les chefs de daïra et la plupart des administrateurs sont régulièrement briffés par le DRS avec qui ils listent les failles pouvant servir à doper le FLN et accessoirement le RND ». Pour ce faire, « les sites où la surveillance peut se relâcher, les agents requis ‘‘fragiles'' sont convoqués et ‘‘invités'' à aider l'Etat. Quand ils refusent, ils sont carrément menacés ». A titre d'exemple, le leader du RCD cite le cas de Bouira où, a-t-il précisé, « un chef de daïra a déclaré à un agent récalcitrant que la liste des disparus risque de s'allonger ». Cependant, il a estimé que le gros effort du DRS a porté sur la manipulation du fichier électoral. « A l'occasion du dernier référendum, des milliers de noms de citoyens originaires de Kabylie mais n'y résidant pas ont été ajoutés sur les listes. Des cartes vierges sont distribuées à des militants du FLN qui sont chargés de les utiliser », a-t-il indiqué en précisant que la demande d'accès de l'opposition au fichier électoral a été longtemps refusée, bien qu'elle soit légale. « Ces outils ont fini par être donnés mais à la fin des délais de recours. Ce sont des documents inexploitables », a-t-il dit. L'autre grosse manipulation, selon le conférencier, concerne les bulletins de vote. « Dans un premier temps, il nous a été officiellement dit que les bulletins porteraient les photos des responsables de parti et celle des têtes de liste pour les indépendants. Quelques jours plus tard, nous apprendrons officieusement que l'administration avait décidé de donner un numéro par liste et qu'il revenait aux compétiteurs de préparer les citoyens non lettrés à reconnaître le chiffre affecté à chacun. Depuis, une rumeur informe que finalement ce serait le sigle des partis qui figurerait sur les bulletins », a-t-il expliqué. Ce n'est pas tout, puisque l'orateur a ajouté que « le DRS a mis sur le marché de la propagande quatre slogans studieusement relayés par ses agents sur le terrain. Tous visent à démobiliser l'électorat pour donner un maximum de poids à ses clientèles ». Parmi ces slogans, le chef du RCD cite : « Il ne sert à rien de voter, le vote n'a jamais rapporté », « tous les partis se valent, autant ne pas suivre la campagne », « le mandat d'un an et demi ne mérite pas que vous perdiez un journée », « même si les partis du pouvoir n'ont pas fait beaucoup de bien, nous sommes bien obligés de voter pour eux, sinon nous n'aurons aucun projet ». Pourquoi donc le RCD participe dans une telle élection ? La réponse du RCD est déjà tranchée : il ne faut surtout pas laisser le régime disposer du pouvoir local en Kabylie. « Après quatre années de pourrissement, notre parti a estimé que ce scrutin devait servir deux objectifs », a-t-il déclaré. Il s'agit, selon Saïd Sadi, de réinstaller le débat politique sur la scène régionale avec l'espoir de voir cette dynamique s'étendre à toute la nation et de doter les municipalités et les assemblées de wilaya de responsables crédibles pour gérer dans la transparence et donner l'exemple d'une représentation crédible et performante pour 2007 en perspective d'une alternative citoyenne s'appuyant sur la démocratie de proximité, préalable à la refondation nationale. Pour conclure, le leader de l'opposition démocratique a estimé que « ce scrutin opposera la mobilisation citoyenne à la manipulation des services spéciaux ».