Le président du RCD a affirmé hier, à Alger, que des milliers de noms de citoyens, originaires de Kabylie, mais n'y résidant pas, ont été ajoutés sur les listes électorales. “Nous l'avons déjà annoncé avant le 29 septembre. La Kabylie sera le premier terrain d'application de la stratégie de l'islamo-populisme institutionnel. La volonté d'imposer dans cette région les segments les plus rétrogrades de l'ex-parti unique se confirme quotidiennement sur le terrain. Une fraude, que seule une mobilisation exceptionnelle peut endiguer, est déjà préparée par les services spéciaux dont on retrouve les traces à chaque séquence de la phase préparatoire du scrutin du 24 novembre”. Saïd Sadi, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), dont le parti est engagé dans les élections partielles, prévues ce jeudi, est formel : les services spéciaux chapeautent une grande opération de fraude dont l'objectif est “de placer des hommes serviles et à la compétence aléatoire” et de défaire la région de Kabylie par “une stratégie de contre-développement”. “Est-ce qu'elle sera hard ou light ? On ne sait pas, mais il y aura fraude et le coup est parti”, a indiqué hier Saïd Sadi lors d'une conférence de presse animée au siège du parti à Alger. Sadi, dont c'est la première conférence de presse après celle qui a suivi l'élection présidentielle d'avril 2004, a égrené un chapelet de preuves dévoilant les procédés utilisés par le DRS (les services de renseignements) pour favoriser l'ex-parti unique. À Béjaïa ville, rapporte le leader du RCD, une personne “au parcours politique fantaisiste” s'est retrouvée à la tête de liste du FLN, sans jamais y avoir milité, après avoir été dans un premier temps sur une liste d'indépendants. Et aux militants qui ont protesté contre ce “parachutage”, en fermant le siège du FLN pendant neuf jours, l'ordre leur a été intimé de rouvrir les locaux, sous peine de “pires sanctions”. À Tizi Ouzou, Ali Seddiki, membre de la direction du FLN, installé depuis six mois au siège de la wilaya, s'occupe avec l'administration et ses moyens à “préparer la fraude”. “Les chefs de daïra et la plupart des administrateurs sont régulièrement briefés par le DRS avec qui ils listent les failles pouvant servir à doper le FLN et accessoirement le RND”, affirme Sadi. Outre les pressions sur certains agents de surveillance du scrutin et sur certains citoyens à travers des slogans, genre, entre autres, “pourquoi voter ?” “Tous les partis se valent”, visant à dissuader l'électorat, le gros des efforts des services est orienté sur les listes électorales. Ainsi, selon le leader du RCD, des milliers de noms de citoyens, originaires de Kabylie, mais n'y résidant pas, ont été ajoutés sur les listes. Des cartes vierges sont également distribuées aux militants qui sont chargés de les utiliser. Un procédé qui leur permet de voter en plusieurs endroits. Sur le même registre, des électeurs sont éparpillés dans les endroits où les partis sont connus pour pouvoir capter l'essentiel des voix. Autre grosse manipulation : les bulletins. Selon Sadi, à ce jour, ces bulletins déposés dans les chefs- lieux de wilaya ne comportent aucun signe distinctif de nature à différencier les partis. “Une vraie tombola”, ironise-t-il. Cela sans compter, bien entendu, le black-out des médias lourds et les contraintes rencontrées par la presse étrangère à l'image de Berbère TV dont le matériel est bloqué à l'aéroport d'Alger depuis le 13 novembre. “Tout ce dispositif vise les démocrates et vise à démobiliser l'électorat pour que le DRS donne un maximum de chance à sa clientèle”, affirme Sadi. Face à cette perspective, le RCD appelle à la mobilisation, seule à même d'endiguer la fraude. “S'il y a mobilisation et je ne l'exclus pas, les procédés du DRS qui n'ont pas évalué l'adhésion populaire au scrutin vont jouer à la marge”, prédit-il. Interrogé sur les attaques de certains dirigeants du FFS, Saïd Sadi s'est refusé à “polémiquer”. “Il n'y aura pas de polémique entre le FFS et le RCD, car c'est ce que cherche le DRS”, a-t-il affirmé non sans ajouter, un tantinet ironique, “qu'il connaissait Laskri du temps où il était à l'UNJA et qu'il n'entre pas dans la polémique”. “Quand j'étais au FFS, je n'ai pas entendu parler d'eux. Les gens vont aboyer, ils n'ont pas l'autonomie de la décision et après 40 ans, le FFS mérite mieux que ça”. Le RCD, dont la participation au scrutin procède d'une volonté de réinstaller le débat politique dans la région et de doter les assemblées de gens crédibles, sera en tête pour peu qu'il n'y ait pas fraude, soutient Sadi. Mais le plus important reste à ses yeux l'avenir démocratique d'une région et au-delà de l'Algérie. “Ce 24 novembre, la bataille sera à la fois difficile et importante. Elle opposera la manipulation du DRS à la mobilisation citoyenne. À travers cette élection partielle, se joue en partie, le destin démocratique de l'Algérie”, conclut-il. KARIM KEBIR