La rue principale de la ville de Bachedjerrah a été, hier matin, le théâtre de violents affrontements entre vendeurs informels et policiers. Ces échauffourées ont eu lieu au moment où d'autres communes retrouvaient un clame précaire. C'est vers 9h que les jeunes ont barré la voie principale de la ville, qui accueille depuis des dizaines d'années le marché informel. La rue principale abrite des magasins, un centre commercial appartenant à un privé et le marché de proximité. Des pneus enflammés enfumaient la localité. Les jeunes vendeurs lançaient des pierres en direction des forces de l'ordre. Au cours des affrontements, un policier aurait été tué à l'arme blanche. Une information qui s'est répandue dans toute la cité, mais que nous n'avons pu confirmer. La cellule de communication du commissariat central d'Alger n'a donné aucune suite à nos sollicitations. Les passants étaient dans l'obligation de contourner cette voie pour se déplacer et les commerces sont restés fermés durant toute la journée d'hier. Après moins de deux mois de rupture avec les vendeurs à la sauvette suite à la vaste opération menée par les autorités pour l'éradication du marché informel, cette rue a vu, avant-hier, leur retour. Les marchands de l'informel avancent que c'est le wali délégué qui aurait autorisé ces jeunes à exercer «le temps de leur trouver une solution». Des individus sont venus délimiter les trottoirs en lots sur lesquels sont inscrits les prénoms des jeunes concernés par le partage. Les premiers étals ont refait leur apparition avant-hier. Hier, c'était le grand retour des marchands qui ont réinvesti les lieux. Les policiers sont intervenus dans la matinée, les sommant de dégager la voie publique. Des produits ont été saisis, ce qui a poussé les jeunes vendeurs à riposter avec des jets de pierres. «Ce sont eux, les policiers, qui nous ont provoqués. Ils nous insultaient. Ils ont violemment frappé un enfant d'une dizaine d'années alors qu'il était juste de passage et n'avait rien à voir avec nous», se justifie un jeune vendeur, son étal de fortune dans un sac à dos. Les usagers de la route étaient obligés de rebrousser chemin avant même d'atteindre le centre-ville, de crainte des conséquences de cette manifestation d'une rare violence. Les vendeurs défendent leur «droit au trottoir». Un jeune protestataire raconte : «Ce marché a toujours existé. Je détiens un étal depuis plusieurs années. C'est le seul revenu pour ma famille. En nous privant de ce gain, ils veulent nous pousser à voler ou à agresser les passants !» Un autre, la trentaine, fustige le président de l'APC et autres responsables locaux dans la gestion du problème de l'informel : «Ils ont donné toutes les facilitations au propriétaire du centre commercial Hamza, car le fils du maire y est employé comme bras droit du patron. Ils ont également distribué de manière louche les étals du marché de proximité et ont laissé en chantier le projet d'un autre marché…» L'intervention de la police dans le cadre de l'éradication du marché informel ne serait pas l'unique facteur déclencheur de ces violences. Les protestataires évoquent l'arrestation d'une dizaine de jeunes après les violentes émeutes qui ont ébranlé la localité à la fin de la semaine dernière, comme cela a été le cas dans presque toutes les régions du pays. Des émeutiers disent avoir agi «après provocations». Ce serait une vengeance décidée par les jeunes échauffés par la colère. Les riverains, impuissants devant la violence de ces émeutes, subissent les affrontements sans trop savoir qui soutenir. «Il faut qu'il y ait une solution concrète pour ces jeunes, sans les priver toutefois de leur gagne-pain. Ce sont nos enfants, après tout», lance une vieille dame. Une jeune femme enceinte, contrainte de courir pour éviter de se faire blesser par les pierres lancées à l'aveuglette par les émeutiers, estime que «ces jeunes sont à la recherche du gain facile. C'est tout. Ils ont été bénéficiaires de tables au marché de proximité. L'APC leur a construit un centre commercial à l'extérieur de la ville, qu'ils ont boycotté. Chaque jour, l'APC leur adresse des notes les priant presque de rejoindre leurs étals, en vain. Qu'est-ce qu'ils veulent enfin, ces jeunes, des centres commerciaux de luxe ?». Vers 11h, les policiers étaient retranchés à la sortie est de la ville. Aucun n'était visible dans le périmètre «acquis» par les émeutiers.