La tension était encore vive hier à Bachdjarrah. Des émeutes ont secoué ce quartier lundi dernier. Bachdjarrah au lendemain des émeutes. La principale voie qui traverse ce quartier d'Alger est quadrillée. Les éléments de la police antiémeute surveillent les lieux comme du lait sur le feu. Ils sont positinnés tout le long de la voie publique. Les baraques qui jonchaient les deux côtés de la route ont disparu. Les voix des vendeurs à la sauvette se sont tues. Ils se sont faits discrets. Il règne un calme précaire aux alentours du marché populaire de Bachdjarrah. «Je risque d'être surpris par la police», dit un vendeur de souliers à un passant intéressé par une paire de chaussures. Seulement, il n'avait pas ramené de l'argent. Il entre au marché. Deux autres vendeurs discutent de l'article d'un journal. La Une est consacrée aux émeutes qui ont opposé les commerçants illicites à la police, lundi. «Nous ne sommes pas à l'abri d'autres échauffourées. Fais attention à ta marchandise», avertit l'un de ces vendeurs, un jeune en jaquette cuir et pantalon jean, son ami. «J'ai déjà pris mes précautions», lui répond ce dernier. Cette inquiétude est visible à l'entrée du centre des affaires Hamza. «Je ne peux exposer ma marchandise dans ce climat d'incertitude. Mon magasin risque d'être dévalisé», regrette un commerçant d'habits pour femmes. Les rayons du magasin sont vides. «A défaut de vendre, je nettoie la boutique», ironise le vendeur. Le centre commercial connaît une affluence moyenne de clients. La plupart des commerçants ont baissé rideau. Un vendeur de bijoux de fantaisie affiche une grise mine. «Nous subissons la loi des pilleurs qui nous privent de notre pain», déplore-t-il. Cette détresse se lit sur les visages des passants dans la rue. La chaussée garde encore les traces des émeutes de lundi dernier. Elle porte le noir des échauffourées ayant opposé les jeunes aux forces de l'ordre. «Mon père est allé chercher du lait au marché. Il a été surpris par les émeutes. Les échauffourées ont été telles qu'il a dû rebrousser chemin», se souvient une habitante des lieux, la vingtaine entamée. Les affrontements ont commencé vers sept heurs du matin. Les policiers ont fait irruption. Ils ont délogé les marchands ambulants. Surpris, ces derniers ont violemment riposté. Echanges d'amabilités, rixes et la situation a vite dégénéré. Des escarmouches ont éclaté. Sous la pression des manifestants, les policiers lâchent du lest. La rue livrée aux émeutiers, les commerçants veillent sur leurs biens. L'inquiétude est vive. Elle l'est encore le lendemain (hier). Elle s'estompe petit à petit sous la pluie fine qui s'abat sur Alger. Les citoyens reprennent prudemment le train-train quotidien. Un signe révélateur: la circulation est fluide. «Les citoyens préfèrent limiter leurs déplacements. Ils savent que cette accalmie peut être interrompue à n'importe quel moment», précise un taximan. Cela dit, à la basse Casbah, le marché populaire de Zoudj Ayoun (les Deux fontaines) a repris de plus belle. «Vous pouvez revenir à l'heure qui vous convient ce soir» assure un vendeur de cabas à un client. «Venez acheter des vêtements à bas prix!» crie un autre vendeur. Aucun policier n'est visible sur les lieux. Pourtant, le marché n'est pas loin du siège de la Direction générale de la sûrté nationale (Dgsn), sise en face du lycée Emir Abdelkader à Bab El Oued. «L'Etat n'a pas interdit les marchés informels. Nous procédons à leur éradication graduellement. En parallèle, des marchés de proximité sont en train d'être installés au profit des marchands», avait déclaré Daho Ould Kablia, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, dans une tentative de calmer les esprits suite aux émeutes de ces derniers jours. Une chose est sûre. L'Etat a reculé d'un cran devant les tenants du commerce informel. La pluie continue de s'abattre. Le ciel est gris. La baie d'Alger est bercée par la mélodie harmonieuse de la mer, mais l'horizon reste voilé d'incertitudes...