Après le silence craintif sur les émeutes nationales et sur la destitution de Ben Ali, la première réaction des officiels algériens ressemble à une tentative d'escalader un escalier à l'envers. Que signifie l'arrestation d'un syndicaliste algérien pour «tentative de renversement du régime» ? Rien, sinon une maladresse incroyable dans un contexte aussi particulier. Pour avoir commenté la révolution tunisienne et l'avoir souhaitée en Algérie par SMS, les services de police ont arrêté un homme accusé du pire des délits. Théoriquement, il faudrait mettre en prison au moins 10 millions d'Algériens, idée à laquelle Bouteflika, Daho Ould Kablia et le général Hamel sont probablement en train de réfléchir. Après 18 jours d'un janvier complètement fou, la réponse du pouvoir tient finalement en deux actions : baisser les prix et mettre sur écoute toute la population, sévir le cas échéant. Alors que tout le monde cherche de l'oxygène et que des Algériens s'immolent par le feu dans des tentatives désespérées d'émettre un signal fort à destination des pouvoirs publics, le seul signal de ces derniers n'a concerné que deux fonctions : la digestion et la parole. Tout ventre vide sera rempli, toute langue dehors sera définitivement pendue. Car il faut bien noter que malgré l'extraordinaire poussée de contestation multiforme, le régime n'a étrangement consenti à aucun geste d'ouverture pour l'instant, emmuré dans la certitude du septuagénaire qui veut se suicider juste avant sa mort naturelle prochaine. DOK, alias Daho Ould Kablia, le jeune ministre de l'Intérieur, a tout dit : ce sont des «casseurs qui ne s'intéressent à rien», pas même à l'opéra baroque. Pour la société civile, à l'image du syndicaliste Badaoui arrêté, elle ne s'intéresse à rien non plus, même pas aux documentaires de l'ENTV, ce sont des putschistes. L'Algérie étant en situation d'extrême température, la médecine particulière de DOK pourrait se résumer ainsi : «Si quelqu'un a de la fièvre, coupez-lui une jambe.»