Dans un mois, la cantatrice algérienne se produira dans la prestigieuse salle de New York. Nassima a déjà pratiqué les publics des Etats-Unis où se mêlent aux Algériens, des mélomanes américains. Tous les musiciens et chanteurs au monde rêvent un jour d'occuper l'une des scènes de ce temple mondial de la musique. Inauguré en 1891 avec un concert de Tchaïkovski, la salle accueille aussi bien la musique classique que moderne, et elle a vu passer, pour ne citer que ceux-là, les Beatles, les Pink Floyd ou Miles Davis. Situé en plein Manhattan, sur la 7e Avenue, le Carnegie représente souvent la consécration pour un artiste. Après plus de 30 ans de carrière, Nassima le méritait bien. Elle n'occupera pas l'immense Main Hall de l'endroit, avec ses cinq niveaux, mais on lui offre la deuxième salle du Carnegie (600 places) qui est déjà un lieu mythique où se sont produits des géants de la musique du monde, d'ailleurs plus adapté à un répertoire tel que l'andalou et bien calibré acoustiquement pour une mezzo-soprano comme elle. Cet épisode de son parcours artistique sera sans aucun doute un moment fort à l'épreuve d'une salle à l'enseigne fameuse. Pour autant, Nassima, qui a joué dans le monde entier, a déjà pratiqué les publics des Etats-Unis où se mêlent aux Algériens installés dans ce pays des mélomanes américains plus nombreux qu'on ne le pense. Elle s'est produite par trois fois à New York (Symphony Space, World Music Institute, Lower Manhattan Cultural Concil) ainsi qu'à Stampa en Floride. Nassima Chabane est entrée au Conservatoire de Blida, sa ville natale, à l'âge de sept ans où elle a bénéficié de l'enseignement d'éminents cheikhs tels que Hadj Medjbar pour la maîtrise instrumentale, et Dahmane Ben Achour pour la connaissance des noubates. Elle entre très jeune, en tant que soliste, dans l'orchestre d'El Widadia, fondé en 1932, et collabore également avec la formation Nedjma. Son talent et son application poussent plusieurs cheikhs à la soutenir et à l'accompagner dans son développement artistique : Mohamed Benguergoura, Saddek Bedjaoui et Hadj Hamidou Djaïdir. Sa popularité nationale commence à s'établir à la fin des années soixante-dix. Elle participe alors à l'anthologie de la musique andalouse éditée par la RTA (Radio télévision algérienne). En 1984, elle participe à l'une des premières expériences de symphonisation de la musique arabo-andalouse avec le compositeur et maestro Bradaï, dirigeant l'Orchestre symphonique national. De 1987 à 1994, elle anime à la radio une émission sur le patrimoine musical et poétique maghrébin. Ces deux éléments nous renseignent sur son esprit d'ouverture musicale, allié à un respect du legs ainsi que sur son souci de promotion et de popularisation du patrimoine. En 1994, devant l'impossibilité d'assumer son art – et donc sa raison de vivre, dit-elle –, elle s'installe à Paris où sa carrière prendra un essor international plus marqué. Aux côtés de son activité intense de concerts en public, elle a sorti notamment cinq albums. Les deux derniers marquent un besoin de renouvellement. Ainsi, avec Voix soufies, voix d'amour, elle s'est plongée dans le répertoire musical mystique avec le désir d'affirmer le caractère universel de l'Islam. Son dernier album, Des racines et des chants a été conçu comme une ode au pays natal où elle a convoqué les répertoires andalou et chaâbi ainsi que la chanson kabyle avec une interprétation émouvante de Ô ma patrie de Slimane Azzem en duo avec Iddir. Certains lui ont reproché cet éclectisme mais, outre que ce n'en est pas un, elle demeure fidèle par ailleurs à son domaine musical d'élection et surtout de passion.