Prévu initialement en avril dernier, le quatrième round des négociations entre l'Algérie et la France concernant l'accord bilatéral de 1968 s'ouvre aujourd'hui à Paris au niveau des experts. Comme pour les trois précédents rounds, il s'agira encore pour les représentants des deux pays de continuer à déblayer le terrain et d'essayer de convenir d'un ordre du jour sur la base duquel les gouvernements algérien et français pourront, durant les prochaines semaines ou les prochains mois, débuter les négociations proprement dites. Un expert des relations franco-algériennes soutient, en effet, que les positions des deux pays sont encore assez éloignées les unes des autres et qu'il faudra probablement davantage de temps pour qu'un accord soit trouvé. Apparus plutôt prudents, des responsables au ministère algérien des Affaires étrangères ont, pour leur part, indiqué hier qu'ils ne s'exprimeront sur la question qu'après ce quatrième round. A l'instar de celui qui a été signé avec la Tunisie et une dizaine d'autres pays africains et asiatiques, la France avait, rappelle-t-on, soumis en 2009 à l'Algérie un projet d'accord de «gestion des flux» qui revoit certaines dispositions de l'accord de 1968. Soucieux de sauvegarder les privilèges contenus dans cet accord, l'Etat algérien avait émis un niet catégorique à l'idée de se voir mis au même niveau que les autres pays. Surtout que l'Algérie dispose de la plus forte communauté étrangère en France et se distingue par des échanges commerciaux particulièrement denses avec Paris. Cela, sans tenir compte du fait que l'Algérie demeure le plus grand pays francophone après la France. Tenant compte de tous ces aspects, les responsables algériens avaient revendiqué un traitement exceptionnel. Lors du dernier round et craignant un «coup fourré de la France», ils ont d'ailleurs réitéré leur refus de tomber sous le coup du droit commun, cela bien que le partenaire français leur avait fait savoir que dans certains volets, «il est bien plus avantageux que l'accord bilatéral de 1968». Dans un discours prononcé l'été dernier, à l'occasion de la fête du 14 Juillet, l'ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, avait tenu personnellement «à couper court à certaines rumeurs caricaturales entendues ici et là». «Il me revient ainsi que ces discussions migratoires ont pour objet de dénoncer les accords qui lient la France et l'Algérie. Je le répète: c'est inexact. La vérité est beaucoup plus simple : ces discussions sont aujourd'hui indispensables pour adapter l'accord migratoire aux évolutions de son environnement démographique et réglementaire», avait souligné avec vigueur M. Driencourt. Il avait précisé, en outre, que «ces discussions ne sont pas les premières et ne seront pas les dernières : elles constitueraient la quatrième mise à jour du texte depuis son entrée en vigueur. Leur objectif est clair : faciliter la circulation entre la France et l'Algérie, fluidifier les allers-retours entre les deux pays. Et ceci concerne le sens Algérie-France, comme le sens France-Algérie». Le discours rassurant tenu par le diplomate français n'a cependant pas provoqué l'effet escompté puisque la démarche de son gouvernement a continué à être perçue avec beaucoup de suspicion du côté algérien. Il faut dire que le climat délétère qui caractérise les relations algéro-françaises depuis 2005, date du vote par le Parlement français d'une loi glorifiant la colonisation, n'a pas été pour favoriser un dialogue politique serein et des échanges apaisés entre les deux pays. Bien au contraire, le débat sur la colonisation qui s'en est suivi a eu pour effet de plonger les deux pays dans une profonde crise politique. Une crise dans laquelle ils continuent encore à se débattre aujourd'hui. Et c'est dans ce contexte pour le moins difficile que les experts des deux pays sont appelés aujourd'hui à rouvrir le dossier des accords de 1968. La première rencontre entre les deux parties a eu lieu, rappelle-t-on, à Alger en juillet 2009. Elle a notamment servi à poser le cadre et les principes de la négociation. Les deux autres se sont déroulées à Paris en septembre 2009 et à Alger en novembre 2009 et ont permis à chaque partie de remettre ses propositions à l'autre. Mais dans les faits, la situation n'a pas vraiment avancé. Pis encore, la dernière polémique sur les visas aux commerçants (alors que les Algériens évoquent une mesure discriminatoire et les Français une simplification de la procédure) donne l'impression même que les choses se sont compliquées. Mais quoi qu'il en soit, la partie algérienne est convaincue qu'une bonne négociation doit renforcer le droit des Algériens en matière d'établissement et de circulation. Il n'est pas faux de dire que le gouvernement français exige à peu près la même chose, c'est-à-dire la réciprocité pour ses ressortissants appelés à voyager ou à s'établir en Algérie.