Il a suffi d'une petite annonce de recrutement, colportée de bouche à oreille au mois de septembre 2010, en vue d'embaucher des ouvriers pour le chantier du TransRhummel de Constantine pour que des centaines de jeunes chômeurs, qualifiés ou pas, prennent d'assaut les bureaux de l'agence de l'emploi (ANEM) de la rue Chettab Allel. Le raz-de-marée de ces jeunes sans emploi, au bord du désespoir, qui s'agglutinent dès l'aube devant les bureaux de main-d'œuvre est devenu désormais un décor du quotidien constantinois. «La plupart de ces jeunes repartent bredouilles car l'offre d'emploi disponible est loin de satisfaire une demande de plus en plus croissante», nous dit un responsable de la direction de l'emploi. Ce constat amer n'est en fait qu'une conséquence de l'absence de stratégie claire pour la résorption du chômage dans une wilaya où les entreprises créatrices d'emploi sont pratiquement introuvables. Un constat fait il y a deux jours par le wali de Constantine lors d'une émission à la radio locale, où il a déploré l'absence, dans la wilaya, de véritables pôles industriels capables d'absorber cette masse de demandeurs d'emploi, les universitaires surtout. Pour preuve, selon les chiffres de la direction de l'emploi de la wilaya, depuis la mise en place des nouveaux dispositifs d'aide à l'insertion professionnelle, il y a deux ans, plus de 26 000 diplômés dans différentes spécialités ont déposé leur dossier pour espérer décrocher un travail, mais l'offre proposée à ces derniers n'excédait pas les 2500 postes, ce qui est insignifiant. Les projets annoncés – le tramway, la nouvelle ville universitaire, le TransRhummel, l'autoroute Est-Ouest et la gare multimodale – et qui sont en cours de réalisation n'ont apporté finalement que des chimères. Il y a plus d'un mois, face à l'impuissance des autorités, le recours aux méthodes radicales ont été la dernière issue choisie par des milliers de jeunes qui, ne voyant rien venir, ont choisi d'investir la rue. Si certains ont choisi de protester devant les sièges de l'ANEM, comme cela a été le cas des jeunes de Bir El Ater, dans la wilaya de Tébessa, d'autres ont carrément exploité le créneau du commerce informel, où ils occupent la voie publique en défiant l'autorité de l'Etat. L'exemple de la ville de Constantine est édifiant : des chômeurs n'hésitent pas à menacer de s'immoler par le feu dans le bureau même du président de l'APC de Constantine pour qu'on ne touche pas à leurs charrettes de fruits et légumes, installées sur un lieu squatté. Une manière aussi d'exprimer leur désarroi et qui a tendance à se généraliser dans plusieurs villes de l'est algérien, depuis les incidents de Sidi Bouzid en Tunisie. Ils se disent prêts à tout rien que pour décrocher un poste d'emploi, comme cela a été le cas dans certaines communes de la wilaya de Annaba où des centaines de jeunes ont pris d'assaut le siège de la wilaya, menaçant de se suicider. A Souk Ahras, c'est l'ANEM qui a été assaillie, avant-hier, par des dizaines de chômeurs demandant des contrats de travail. A El Oued, ce sont des centaines de sans-emploi de la commune de Hamraya, à 100 km du chef-lieu de wilaya, qui ont observé un sit-in hier, pour protester contre la situation sociale alarmante dans laquelle ils vivent depuis des années. Tous les jeunes qui ont manifesté leur colère dans plusieurs villes ont un point commun : ils sont fatigués par les promesses non tenues par les autorités.