En quelques années seulement, et grâce au Festival national annuel de Annaba, l'habit traditionnel est devenu le violon d'Ingres d'une grande partie des populations algériennes. Un phénomène que confirme, malgré la médiocrité de l'organisation, le Salon national de l'habit du même genre de Annaba du 19 au 26 août. Dans ce salon qu'abrite l'ex-lycée Pierre et Marie Curie, les exposants de la quarantaine de stands installés à l'intérieur des salles de classe, voient quotidiennement avec un regard torve et plein de regrets, les rares visiteurs de passage dans les lieux. Torve parce que les organisateurs leur avaient promis monts et merveilles du moment qu'ils acceptaient de participer à ce salon. Plein de regrets pour avoir, une nouvelle fois, dépensé leurs économies pour une manifestation sciemment négligée par les autorités locales, notamment la wilaya. C'est donc sous une chaleur caniculaire que ces exposants s'installent chaque jour dans leurs stands respectifs dont ils ont, le comble, payé 3000 DA la location pour toute la durée de la manifestation. « Cette fois, c'est définitive. Je ne participerai plus à aucune manifestation du genre. On prend les artisans et les animateurs des petits métiers pour des dindons. Ni l'Etat ni ses représentants au niveau national ou local n'accordent d'attention au secteur de l'artisanat. Sous d'autres cieux, l'artisanat, tout autant que le pétrole et le tourisme, est une source de recettes en devises non négligeable. J'ai participé à plusieurs salons à travers le pays et à chaque fois, c'est toujours le même mépris, la même indifférence qui nous accueillent. A Annaba, je peux dire que l'artisanat algérien a bu la calice jusqu'à la lie », se révolte Malika B., spécialiste du prêt-à-porter traditionnel. Sa déception et sa position font pratiquement l'unanimité auprès des autres participants venus de toutes les régions d'Algérie dont Oran, Mostaganem, Laghouat, Biskra, Touggourt, Tipaza, Blida et Boumerdès. Toutes ces imperfections, cette indifférence et ce mépris des autorités locales de Annaba n'ont réduit en rien leur volonté de répondre à tous les goûts des visiteurs. En exposant leurs œuvres, réalisations ou créations, ils offrent la possibilité à ces visiteurs de voyager dans le temps et dans l'espace. Malgré la monotonie qui caractérise les salles de classe faisant fonction de stands d'exposition et la chaleur caniculaire, on pouvait déceler quand même des senteurs d'épices, de soie, de kaftan et de poil de chameau. Ce qui donne au lieu une ambiance de légendes. Amrani Madi Fadila est qualifiée par ses pairs de grande spécialiste algérienne du prêt-à-porter traditionnel et autres styles de couture et de broderie. Tout en parlant à ses interlocuteurs, elle tente de cacher la déception générée par la mauvaise organisation du salon, dans la présentation de ses œuvres d'une rare finesse et d'une rare beauté. Avec ses 35 années passées dans ce métier artisanal à confectionner elle-même le kaftan serti, la gandoura brodée, la robe argentée et autres, Mme Amrani est considérée comme la doyenne à Annaba de l'habit traditionnel et du prêt-à-porter. En s'intéressant à la confection de tableaux décoratifs faits d'or, d'argent et de peinture à l'aiguille, elle tente de relever un autre défi. Cette dame d'une rare élégance et dont le nombre d'années ne semble pas avoir eu de prise, exprime ses ressentiments : « Je ne comprends pas qu'on puisse laisser dépérir un secteur aussi important que l'artisanat qui, au-delà de toute idée mercantile, reflète toute notre identité nationale et notre patrimoine culturel. Comme je ne comprends pas également qu'on nous demande de payer 3000 DA de location d'un stand alors qu'on nous invite à une manifestation. Et lorsqu'on sait qu'en plus de ce prix, les exposants doivent aussi payer leurs transport, hébergement, restauration et employés, il y a de quoi se poser des questions si quelque part, l'on n'est pas en train de tuer l'artisanat en Algérie. En ce qui me concerne, les expositions en Algérie, c'est fini » ! Ambiance de légende digne des Mille et Une Nuits lorsque l'odorat de tout visiteur est attiré par le poil de chameau ou de mouton. A la vue de ses chbika suspendues faites de dentelles, de la chechia, du tarbouche, de la chaouchana, du djbine et du skheb et autres habits et bijoux, de différents horizons du pays. Une ambiance quotidiennement enrichie par la présence de quelques centaines de curieux et d'acheteurs à la recherche de la perle rare en robe faite de mejboud, tel, peinture à l'aiguille. Wahiba F. est une mère de famille originaire d'Alger venue à Annaba pour les vacances. Informée de l'organisation de ce Salon de l'habit traditionnel, elle n'a pas raté l'occasion, malgré la chaleur canicularie, de visiter les stands. Elle affirme : « J'ai préféré passer mes vacances à Annaba. J'ai raté de quelques jours le Festival national de l'habit traditionnel. J'ai tenu à prolonger mon séjour dans cette belle ville qu'est Annaba pour visiter ce salon. Depuis ma tendre enfance, j'aime tout ce qui est traditionnel non seulement en matière d'habillement traditionnel mais également le bijou, l'ameublement et objets d'intérieurs bien de chez nous. La vue de toutes ces belles robes, objets artisanaux et bijoux exposés est pour moi la redécouverte de ce qui fait notre identité nationale d'autant que plusieurs régions du pays sont représentées dans cette manifestation. »