Alger est sous un quadrillage policier. Les principaux boulevards et carrefours de la capitale étaient, hier, sous haute surveillance policière en prévision de la marche populaire d'aujourd'hui, à laquelle a appelé le Coordination nationale pour le changement et la démocratie en Algérie (CNCD). C'est un véritable déploiement de la terreur. La ville était déserte, laissant les rues aux seuls camions à canon arroseur, fourgons cellulaires, Nissan et policiers armés de kalachnikovs. Dès la matinée d'hier, des régiments de l'unité républicaine de la sécurité ont pris position à la place du 1er Mai, alors que d'autres engins de la police sont stationnés à l'entrée de la maison de la presse Tahar Djaout. A quelques mètres, au boulevard Hassiba Ben Bouali, c'est un impressionnant dispositif de sécurité qui a été mis en place. Ainsi, tous les accès à la place du 1er Mai sont sous le contrôle des forces de l'ordre, dans la perspective d'empêcher les manifestants d'y accéder. Le spectacle est le même au niveau de la Grande-Poste où camions et fourgons de police ont pris position sur l'esplanade. En contre-bas, le jardin Sofia est réquisitionné par la police. Le déploiement sécuritaire est encore plus visible au niveau du siège de la wilaya d'Alger, aux alentours du Conseil de la nation. Il est d'autant plus considérable au square Port-Saïd et à la place des Martyrs à tel point que les citoyens se sentent sous l'état d'exception. «On dirait que nous sommes en guerre», a tonné un passant. En effet, c'est une «guerre» contre des Algériens qui ne veulent qu'exprimer pacifiquement leurs opinions sur une situation politique et sociale de plus en plus intenable. Sinon, comment expliquer cet étalage de la force. Même la rue Didouche Mourad, habituellement épargnée par ce genre de démonstration, était, hier, «bleue» par la forte présence policière. Du Sacré-Cœur jusqu' à la place Audin, des policiers à pied et en voiture font les allers-retours en scrutant toutes les ruelles. Sur les hauteurs de la capitale, la présence policière est également plus visible, notamment à El Biar, pas loin des bureaux du parti du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et en bas de la rue Souidani Boudjemaâ, non loin du siège du parti du Front des forces socialistes, où trois fourgons de la police contrôlent le carrefours menant vers El Mouradia. Le même dispositif est déployé aussi à l'entrée est de la capitale. Tout au long de l'autoroute est d'Alger, les barrages de la police sont renforcés. A El Hamiz, Bab Ezzouar et au Ruisseau, les postes de contrôle procèdent déjà au filtrage des véhicules en provenance des wilayas de l'est du pays. Au niveau du barrage «les Bananiers», un policier avec une caméra filme carrément les véhicules. L'on parle de plus de 25 000 policiers qui ont été mobilisés pour réprimer la marche à laquelle prendront part des partis d'opposition, des syndicats et autres organisations de la société civile. Des régiments des wilayas limitrophes sont appelés à la rescousse. Le renforcement du dispositif de sécurité sera sans doute plus important aujourd'hui. Ainsi, le pouvoir actionne son appareil répressif comme seule réponse à une demande politique de la société. «Cela reflète la panique qui s'empare du pouvoir. Les précédents tunisien et égyptien font trembler le régime. Protéger Alger c'est sauver le pouvoir», a estimé le politologue Ahmed Rouadjia. Il a indiqué que «les gens au pouvoir ne réfléchissent pas et n'ont pas d'autre solution à proposer que la force brutale. Comme Ben Ali et Moubarak, ils ont un doctorat en matière de refus et d'aveuglement. C'est un régime qui doit mordre avant d'être mordu». De ce fait, la marche d'aujourd'hui sera un test difficile non pas pour l'opposition, mais pour le pouvoir. La chute de deux despotes, Ben Ali et Moubarak, par ailleurs deux amis de Bouteflika, donne des vertiges.