Au moment où l'on prône la réforme hospitalière pour garantir le droit à la santé pour chaque citoyen, la situation se détériore de plus en plus dans les établissements de santé publique. Des patients et des praticiens vivent actuellement une situation des plus désastreuses que le secteur n'a pas connue depuis des années. Outre les délais des rendez-vous étalés sur des mois, voire des années, il est aujourd'hui malheureux de constater que des centaines de patients se voient renvoyés chez eux en raison de la déprogrammation de certains gestes opératoires pour manque de produits anesthésiants. «J'attends mon opération depuis plus de six mois. Et voilà qu'aujourd'hui, on me dit que c'est encore reporté à une autre date. Mon cancer n'attend pas. Je n'ai pas les moyens d'aller dans une clinique privée, il me reste donc qu'à attendre la mort», s'indigne un sexagénaire rencontré à l'hôpital de Bab El Oued où il est traité pour un cancer de la prostate. Quelles soient «lourdes» ou «légères», toutes les opérations inscrites dans le cadre du froid sont annulées et reportées à des dates ultérieures. La même situation est vécue sur tout le territoire national. L'activité opératoire est ainsi réduite, sauf lorsqu'il s'agit d'une urgence. «Il y a quelques mois, les services de chirurgie assuraient jusqu'à six malades par jour, actuellement les chirurgiens chôment», nous confie une source proche des milieux hospitaliers avant de préciser que les quantités de ces produits mis à la disposition des hôpitaux est très insuffisante par rapport au nombre de malades nécessitant une intervention chirurgicale. «Seulement 200 ampoules sont fournies par mois par la PCH pour les établissements. Ce qui reste insignifiant», ajoute notre source. Le manque de services spécialisés, en l'occurrence les urgences et la réanimation sont aussi un des problèmes auxquels font face les Algériens. Vaccins introuvables Combien de citoyens évacués en urgence pour un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral (AVC) ou simplement pour une hypertension artérielle finissent par décéder après avoir fait le tour de tous les hôpitaux de la capitale ? Le mal doit être encore plus grave à l'intérieur du pays. Les hôpitaux publics sont aujourd'hui dans l'incapacité de prendre en charge tous les patients qui affluent de toutes les régions du pays. Pis, la rupture de stocks des médicaments s'aggrave de plus en plus. Il en est de même pour certains équipements nécessaires pour la réalisation de certains examens spécifiques (réactifs, poche, etc.). La couverture vaccinale, contre les maladies transmissibles par laquelle l'Algérie s'est distinguée dans la performance du système de santé, durant des années, semble aussi perdre de son envergure. Le manque de vaccin pédiatrique illustre bien la situation. Une rupture qui s'éternise et non sans risque de conséquences graves sur la santé des Algériens. Dans les officines, certains génériques ne sont plus sur les étals. «Certains produits ont pratiquement disparu de ma liste. On ne parle pas de ceux interdits à l'importation, mais ceux qui sont censés être fabriqués localement. Regardez ma liste, il y au moins une centaine de produits qui me manquent. J'essaye de voir avec mes collègues s'il leur reste quelques boîtes en vain, nous sommes tous dans la même situation. Les patients souffrent énormément et leurs traitements sont perturbés, surtout les malades chroniques», nous confie une pharmacienne. Dysfonctionnement Les pouvoirs publics refusent d'admettre un tel dysfonctionnement et ne cessent de faire des promesses pour mettre fin aux pénuries qui, pourtant, perdurent dans le temps. Le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès a déclaré que l'année 2011 «ne verra aucune pénurie ou rupture de stock des médicaments». Les raisons de ces ruptures sont pourtant connues de tous. A commencer par les difficultés rencontrées par la PCH et l'Institut Pasteur (pour les vaccins) dans l'ouverture de lettre de crédit imposée par la Loi de finances complémentaire 2009. Une décision du gouvernement qui a sérieusement perturbé le secteur de la santé notamment le marché du médicament mais sans pour autant envisager des solutions intermédiaires. Par ailleurs, le blocage des programmes à l'importation décidé par le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, dès sa prise de fonction, est également une des conséquences de la perturbation du marché national du médicament. La signature des programmes est conditionnée par l'obligation d'investir faite aux opérateurs de pharmacie. Pourtant, de nombreux importateurs, qui n'ont pas honoré cette clause du cahier des charges, ont pu avoir leurs programmes d'importation.