Le Conseil de sécurité de l'ONU était réuni d'urgence hier à New York pour prendre les mesures adéquates à même de mettre fin à la répression engagée contre les manifestants par le régime libyen. Répression qualifiée de «vraiment choquante» par l'ambassadeur d'Allemagne, Peter Wittig, avant que les 15 membres du Conseil se réunissent à huis clos dans la matinée. «Voici pourquoi nous pensons que cela relève des attributions du Conseil de sécurité. Le Conseil doit agir avec un message rapide et clair», a-t-il dit. «Nous soutiendrons des mesures très rapides», a ajouté l'ambassadeur, soulignant que la situation explosive en Libye avait «des implications régionales et internationales». Il n'a pas précisé quelles pourraient être les mesures en question. «Nous espérons que quelque chose sortira du Conseil afin de protéger le peuple libyen», a indiqué de son côté Ibrahim Dabbashi, ambassadeur adjoint de la mission libyenne à l'ONU, qui a fait défection lundi. Ce dernier avait envoyé une lettre au Conseil, lundi soir, demandant cette réunion. Il a demandé que l'ONU proclame une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye et l'établissement d'un corridor humanitaire pour apporter une aide aux civils. Mais des diplomates ont indiqué qu'aucune action n'est encore discutée. L'ambassadeur de Libye, Mohamed Chalgham, qui n'a pas fait défection, s'est présenté à la réunion du Conseil, suscitant des doutes sur qui représentait réellement le pays. M. Chalgham, qui s'est décrit comme un ami d'enfance de Mouammar El Gueddafi, a indiqué qu'il ne soutenait pas tous les actes de son adjoint mais qu'il avait dit aux dirigeants libyens que «la violence doit cesser». Mais qui des deux diplomates représentera son pays à la réunion formelle du Conseil de sécurité qui devait peut-être donner lieu à une déclaration de la présidence ? «Après que des manifestants pacifiques ont été tués en Tunisie, en Egypte, à Bahreïn, au Yémen et maintenant de façon particulièrement cruelle en Libye, les membres du Conseil de sécurité ne peuvent plus prétendre que les événements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ne sont pas une menace pour la paix et la sécurité internationale», a souligné dans un communiqué l'ONG Human Rights Watch. C'est la première fois que le Conseil discute de la tourmente qui a gagné le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. «Il s'agit à l'évidence d'un cas différent de ce que nous avons vu en Egypte et en Tunisie du fait de l'étendue de la violence et de l'utilisation de mercenaires» contre les manifestants, a souligné un diplomate sous couvert d'anonymat. Bien que la Chine et la Russie s'opposent traditionnellement à toute ingérence dans les affaires intérieures d'un pays, «tout le monde reconnaît le fait qu'il s'agit d'une situation très grave et que la violence a atteint un niveau choquant», a indiqué un autre diplomate. Certaines ONG ont indiqué que jusqu'à 400 personnes avaient été tuées dans les violences lors desquelles des avions de combat et des hélicoptères ont mené des attaques aériennes contre des manifestants. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit «indigné» par les informations faisant état d'attaques aériennes. Lundi dernier, il a parlé au téléphone pendant 40 minutes avec le colonel El Gueddafi et lui a demandé un arrêt «immédiat» des violences. La Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a averti hier dans un communiqué les autorités libyennes que «les attaques systématiques et généralisées contre la population civile pouvaient constituer des crimes contre l'humanité». Par ailleurs, une morgue pouvant contenir 450 cadavres a été aménagée près de l'hôpital principal de Tripoli, a affirmé hier la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH). «Une morgue a été aménagée dans une école qui se trouve à côté de l'hôpital principal Sebiaa. Elle a une capacité de 450 cadavres», a affirmé Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. Celle-ci n'est pas en mesure d'estimer le bilan global des violences qui, après s'être concentrées sur Benghazi, la deuxième ville du pays, se sont déplacées lundi à Tripoli, la capitale. Il est notamment fait état de violents affrontements dans les quartiers de Fachloum et Tajoura, dans la banlieue est de Tripoli, parlant de «massacres» de manifestants anti-régime et de mercenaires africains déposés par hélicoptères qui ont tiré sur les passants. Avant ces violences, la FIDH estimait le nombre de morts entre 300 et 400 depuis le début du soulèvement contre le régime du colonel El Gueddafi. L'ONG américaine Human Rights Watch avait fait état de son côté d'au moins 233 morts.