Le Conseil de gouvernement s'est voulu rassurant sur l'état de santé du président Bouteflika après trois jours d'interrogations et d'incertitudes qui avaient commencé à développer une inquiétude certaine. Celle-ci a été alimentée par la maladroite initiative de la télévision de procéder quotidiennement à la lecture solennelle de messages de compassion de toutes origines et de partout. Cette litanie, d'un autre temps, a rajouté à l'angoisse ambiante, comme firent les faits souvent contradictoires rapportés par la presse écrite sur lesquels sont venues se greffer des informations éparses de personnalités et de médias étrangers. Il reste aujourd'hui à compléter l'intervention apaisante du Conseil de gouvernement par un bulletin de santé qui préciserait la nature de la maladie dont souffre le président de la République. Seront ainsi appréciés le degré d'importance du mal et la capacité du chef de l'Etat à continuer à diriger le pays. Le communiqué qui tombe à point est un progrès par rapport à la gestion catastrophique de la maladie de Boumediene d'il y a vingt sept ans avec son recours systématique au black-out et aux mises en scène. Mais les évolutions restent à parfaire : la maladie d'un chef d'Etat n'est pas encore traitée comme un phénomène tout à fait naturel qui intègre à la fois la préservation de la dignité du malade, l'intérêt supérieur de la nation et le droit à l'information du citoyen. Une telle communication est possible dès lors que sont réunies les deux conditions que sont la stabilité politique et le fonctionnement normal des institutions. Insérée dans leur pratique politique ou codifiée par leurs textes, cette communication a permis aux pays développés de surmonter sans heurts des incapacités ou des maladies, voire même des disparitions de dirigeants. A titre illustratif, la France a tiré les leçons des mensonges de François Mitterrand sur son cancer et bien géré en été dernier l'épisode de l'AVC de Jacques Chirac. Pourquoi pas l'Algérie ? Elle n'est plus en état de crise politique et sécuritaire même si elle est encore fragile à l'intérieur et insuffisamment consolidée à ses frontières. Sa population, du fait des douloureuses épreuves passées, fait preuve aujourd'hui d'une remarquable maturité politique. Elle réunit les conditions lui permettant de saisir avec intelligence et courage les données et les retombées de la maladie du président de la République comme d'appréhender tout évènement exceptionnel touchant à ses dirigeants et à la marche du pays. Une bonne communication est un moyen de gestion politique en mesure de prendre en charge y compris le souci légitime d'éviter des exploitations politiques ou médiatiques d' informations brutes livrées en temps réel. C'est un apanage démocratique.