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Plus belle la ville
Marseille-Provence. Capitale de la culture européenne 2013
Publié dans El Watan le 26 - 02 - 2011

Un titre en clin d'œil à la fameuse série télé qui, de manière emblématique, et au delà de ses péripéties conformes au genre, a placé Marseille sous les feux de la rampe, lui assurant une visibilité permanente auprès de larges auditoires et rénovant son image surranée et rabâchée d'espadrilles et de bouillabaisse. Plus belle la ville ?
Non, en fait il ne s'agit pas seulement de rendre Marseille plus belle, d'autant que ses beautés légendaires sont bien présentes, agrémentées par un soleil qui fait défaut, en cette fin février, au reste de la France. Il ne s'agit pas non plus de Marseille seulement, puisque l'immense projet de capitale européenne de la culture implique tout l'arrière-pays, cette Provence aussi légendaire que son avant-garde maritime, l'une indissociable de l'autre. Avant-hier se tenait donc la conférence de lancement de cet événement, à la future Cité des arts de la rue. Le choix du lieu n'a sans doute pas négligé sa portée symbolique. Il exprime bien l'évolution d'une ville devenue la deuxième la plus peuplée de France et le premier port de France et de Méditerranée. Ainsi, les anciennes huileries L'Abeille, 36 000 m2, vestige des manufactures agro-alimentaires, revivront désormais à travers l'art contemporain urbain. Une manière de souligner les changements opérés et d'affirmer ceux à venir.
L'emplacement de cette Cité des arts de la rue est un autre symbole, car elle se situe sur les hauteurs banlieusardes à forte concentration immigrée. Coup double : mettre en avant la volonté d'assumer un cosmopolitisme culturel, typique des grandes métropoles, notamment portuaires et répartir les institutions culturelles sur l'entièreté de l'espace urbain quand elles demeurent surtout localisées au centre-ville. Cela n'est pas sans importance pour une ville qui s'est constituée par l'agglomération d'une centaine de villages et hameaux, mosaïque encore visible qui en fait le charme mais pose des problèmes d'intégration et de développement urbain. Dans l'ancien hangar, près de cinq cents invités. Les médias bien entendu, mais également des représentants d'associations et d'institutions culturelles, des artistes, des représentants de médias nationaux, tels Olivier Poivre
d'Arvor, directeur général de radio France Culture... Sur le podium, plusieurs personnalités politiques : le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin (UMP), le président de la communauté urbaine, Eugène Caselli (PS), le vice-président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, Michel Pezet (PS), le maire d'Arles, Hervé Schiavetti (PCF), le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Michel Vauzelle (PS) et la maire d'Aix-en-Provence, Maryse Joissains (UMP). Parmi eux, Jacques Pfister, président de la Chambre de commerce et d'industrie régionale et de l'association Marseille Provence 2013 et Bernard Latarjet, directeur général de l'association, chef d'orchestre de l'événement, dont l'excellente réputation d'administrateur culturel s'appuie sur une riche expérience : Cinémathèque française, Parc de la Villette, Fondation de France, cabinet Jack Lang ainsi qu'en tant que conseiller technique à la culture et aux grands travaux au secrétariat général de la Présidence.
Les élus se sont tous attachés à signaler leur plein engagement dans le projet, mais aussi leur entente écornée par des bruits de dissensions. Le maire de Marseille a ainsi déclaré : «Les alarmes de certains sont désormais dissipées… Il n'y a pas de rivalités politiques dans cette affaire et c'est assez rare pour que je le souligne». L'intervention de la maire d'Aix-en-Provence était attendue, car on la donnait comme désireuse de ne pas participer. Elle a affirmé que les clivages politiques nationaux n'avaient pas toujours cours à l'échelon local où des élus d'obédiences différentes et opposées peuvent défendre des programmes.
Les risques politiques «passés», il a été possible d'aborder le programme de Marseille-Provence 2013 et surtout ses lignes de stratégie car, d'emblée, Latarjet a précisé que les éléments exposés ne constituaient «ni un programme, ni même un pré-programme, mais un état d'avancement du programme». Si l'appel à projets a été clôturé en juin 2010, la plupart des événements ou actions nécessitent des affinements, des montages financiers, des recherches de complémentarités, etc. C'est donc surtout une démarche, une ossature de la programmation et un planning qui ont été livrés. Les 2200 projets déposés font l'objet d'études relatives à leur sélection (inscription dans la démarche, originalité, compétences et talent des postulants…) mais également à leur faisabilité (moyens, lieux, dates…).
Un travail intense est mené à cet effet par l'association MP13 qui a été constituée et qui regroupe les acteurs institutionnels majeurs de l'événement. En son siège, la Maison Diamantée, nommée ainsi pour sa façade couverte de carrés de pierres biseautés tels des pierres précieuses, l'une des plus vieilles demeures de Marseille (XVIe siècle), la cinquantaine de personnes employées par le projet ne se roulent pas les pouces. Sous les poutres impressionnantes, dans cette atmosphère architecturale du Moyen-âge, les ordinateurs triturent, à longueur de journées, les informations et messages. Ici, se préparent les analyses soumises au Conseil d'administration de l'association ainsi qu'aux groupes territoriaux. Deux prochaines étapes ont été annoncées : la publication du pré-programme à la fin 2011 et du programme définitif au début de l'automne 2012, soit à quelques mois du grand jour. On estime qu'environ 500 projets seront retenus. Pour l'instant, deux critères essentiels sont passés en revue : un juste équilibre territorial des manifestations et le respect des contraintes budgétaires.
L'argent est aussi de rigueur et, en ces temps de fortes restrictions budgétaires en France, les organisateurs de l'événement se montrent toutefois optimistes. Ils ont dégagé un budget de 90 millions d'euros, auxquels viennent s'ajouter les 800 millions d'investissement en infrastructures et équipements culturels car, au bout du compte, c'est l'après 2013 qui est ciblé. De grands architectes ont été mis à contribution et les travaux en cours seront à l'heure, affirme-t-on. Les institutions culturelles existantes, porteuses de projets ou les accueillant, contribuent à ce financement en apportant des contributions financières, matérielles et professionnelles. A cela, viennent s'ajouter les mécénats ; la Poste et la Société marseillaise de crédit se sont déjà alignées et d'autres seraient sur le point de le faire. Le président de l'Association, qui dirige par ailleurs la Chambre de commerce et d'industrie, est un atout pour convaincre les entreprises de participer à un événement dont les retombées économiques peuvent être énormes. Ulrich Fuchs, directeur général adjoint de l'association, qui a participé à l'organisation en Autriche de «Linz, Capitale de la culture européenne », nous déclare : «Les retombées économiques ne portent pas seulement sur le tourisme. Un tel événement culturel apporte des changements intangibles sur la visibilité et l'image d'un territoire. Indirectement, un tel effort culturel, aussi concentré, peut faire gagner à une ville ou un territoire dix ans de développement.
C'est un catalyseur de développement urbain.» Il nous relate par ailleurs cette anecdote : «Lors de la création de l'association, nous avons été clairs. Un jeune Marseillais nous avait demandé ce que nous comptions faire pour le transport urbain. Nous avons été clairs. Nous lui avons répondu : rien ! Ce n'est pas nous qui allons faire quelque chose. Mais l'effet de notre action peut générer des effets concrets. Beaucoup de collectivités ont avancé ou activé des projets socio-économiques pour les faire coïncider avec l'événement. Tenez, le Mucem (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, son ouverture était prévue en avril 2009. Les travaux traînaient… Eh bien, la candidature a accéléré les choses.»
En ville, les Marseillais attendent. Ils ont déjà sous les yeux des travaux importants de construction ou de réhabilitation d'équipements urbains, des chantiers de restauration de monuments historiques… Un ancien opticien du centre se déclare complètement enthousiaste. Pour lui, un tel événement ne peut que relancer le commerce et donner du tonus à Marseille. Une institutrice à la retraite, vivant dans le Panier, la Casbah de Marseille, et portée sur l'ésotérisme, voit dans la coïncidence de l'année 2013 avec l'identifiant minéralogique des Bouches-du-Rhône, le 13.
Elle n'a peut-être pas si tort puisque depuis 2009, où il est permis en France de choisir son numéro de département, c'est le 13 qui vient en tête au niveau national ! Un chauffeur de taxi, en revanche, ne voit là qu'une «marmelade inutile» et quand je lui fais remarquer que le nombre de manifestations va multiplier les courses, il ajoute : «Ouais… ». Comme souvent dans ce type de manifestations, des accusations de négligence des artistes locaux ont été portées. Comme souvent, et c'est de bonne guerre, une manière de faire pression au moment des sélections. Certains ont parlé de parisianisme ou imaginé un conflit entre culture locale et culture universelle, une sorte de match posthume entre Pagnol et Wahrol.
L'association se défend de ces accusations, signalant que la quasi-majorité des dossiers déposés émanent du territoire de l'événement. En tout cas, la démarche retenue brille par sa rigueur. Cinq objectifs ont été retenus : enrichir la coopération culturelle euro-méditerranénne ; développer l'activité comme force de renouveau durable des Cités ; accroître l'attractivité du territoire et son rayonnement international ; faire participer le plus grand nombre aux activités et manifestations ; enfin rassembler les territoires, les responsables et les institutions dans une construction collective et solidaire du développement culturel.
Pour mener à bien ces objectifs, trois alliances, reconnues comme difficiles par les organisateurs, ont été définies. Entre «l'exigence artistique dont dépendent la reconnaissance et la notoriété européenne et l'exigence populaire dont dépendent l'adhésion et la participation des citoyens». Entre «la dimension internationale inhérente au statut de capitale et l'ambition locale de transformation urbaine par la culture». Entre «le caractère exceptionnel de certains des événements marquants de l'année et la volonté d'un développement durable de l'activité». Des équilibres donc à maintenir avec attention, ce qui explique que les organisateurs veulent prendre tout le temps nécessaire d'une bonne programmation. La dimension méditerranéenne est revenue plusieurs fois lors de cette conférence sous le leitmotiv du «partage des Midis». Michel Vauzelles a notamment déclaré : «Lorsque la moitié de la famille est à Alger et l'autre moitié ici, nous ne sommes plus en voisinage mais en cohabitation. Nous devons faire en sorte que l'événement soit Marseille-Provence-Méditerranée» Et, s'inscrivant dans l'actualité du monde arabe, il ajoutera : «Nous soutenons les combats pour la liberté dans le respect des indépendances».
Sous le thème général «Méditerranée, le partage des Midis», on compte trois projets se déroulant toute l'année : Les ateliers de l'Euro-méditerranée, les actions de participation citoyenne et les festivals du territoire dont on dénombre 300 en été seulement ! Viennent ensuite quatre thématiques déclinées chacune en projets structurants, expositions et ouvertures de lieux culturels. Il s'agit de : «Marseille-Provence accueille le monde, La cité radieuse, L'art prend l'air, Révélations». Dans cette approche, les liens avec les capitales du bassin méditerranéen seront renforcés par des actions culturelles diverses. Alger figure en bonne place dans ce dispositif. Les organisateurs y tiennent particulièrement pour des raisons évidentes : humaines, du fait de la grande communauté marseillaise originaire d'Algérie, commerciales, les deux ports étant fortement liés. Et Alger, en plus de ces mêmes raisons, souhaite donner à ses arts et sa littérature une diffusion à l'échelle européenne. Une convention-cadre a été signée entre l'association MP13 et l'AARC. Les artistes algériens vivant à Marseille espèrent y figurer. En attendant, les chantiers de 2013 redonnent à la ville phocéenne une ardeur qui commence à se voir.
Site à consulter : www.marseille-provence2013.fr


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