Le patron de la centrale syndicale a lié les raisons de cette crise au manque de courage de lancer le débat pour des considérations purement matérielles et personnelles. Face à des syndicalistes en colère contre la mesure de suspension du secrétaire général du Syndicat des douanes, Ahmed Badaoui, réunis à la centrale syndicale, le premier responsable de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, a déclaré hier : « Je suis, moi aussi, pour une profonde réforme de l'organisation, mais farouchement opposé à l'anarchie. » Sidi Said, ajoutera : « je profite de cette occasion pour annoncer solennellement que le débat sur la réforme est officiellement lancé. Vous aurez tous les avant-projets de statuts ainsi que les résolutions avant même la tenue du congrès afin de les discuter et de les débattre entre vous. Une commission exécutive nationale élargie à d'autres structures pourrait avoir lieu pour servir de cadre d'expression. » Des propos que beaucoup ont interprété comme une caution apportée aux partisans du changement, notamment les syndicalistes faisant partie de la Coordination des syndicats des entreprises portuaires et qui ont appelé à une grève générale le 5 décembre prochain pour exiger la prise en charge de leurs revendications socioprofessionnelles. A cette assemblée, par moment houleuse, se sont joints les représentants du syndicat de la SNVI, ainsi que les fédérations de la métallurgie et de la mécanique afin d'exprimer leur solidarité à Ahmed Badaoui. « L'UGTA n'appartient pas à Sidi Saïd. Elle est le bien des travailleurs. Si un collectif décide d'élire ses représentants, je refuse d'en faire abstraction pour imposer d'autres personnes. Le débat syndical est ouvert et le 11e congrès se tiendra dans la clarté et le cadre idéal pour discuter de la réforme. », a lancé Abdelmadjid Sidi Saïd. C'est pour la première fois que le patron de la centrale syndicale exprime publiquement son accord pour une réforme de son organisation, expliquant qu'il « est anormal que l'UGTA continue à fonctionner avec un statut et des règlements instaurés pendant la guerre de Libération nationale et ayant été mis en œuvre sous le règne du parti unique à l'ère du socialisme. Il est important de discuter s'il faut aller vers d'autres fédérations, vers quels types de fonctionnement faut-il aller ? Comment investir le secteur privé ? C'est à vous de discuter et de débattre ces questions, mais dans les structures de l'UGTA et loin de toute insulte et de tout dérapage ». Il a reconnu devant l'assistance que le choix d'aller vers une coordination des syndicats d'entreprise, pour contourner la bureaucratie des appareils de l'UGTA, était à la limite légitime. Sidi Saïd a rappelé que l'UGTA avait entamé ces discussions avec feu Abdelhak Benhamouda, en juin 1990. « Il était question de lancer le débat sur la réforme, mais nous étions pris de court par le terrorisme. » La nécéssité d'une refonte Le patron de l'UGTA a mis en exergue la difficulté du combat syndical dans la conjoncture actuelle, marquée par des changements économiques importants. « Il y a des négociations très dures avec les autorités », a-t-il noté, comme pour avouer son impuissance à régler la situation de crise qui secoue son organisation depuis que de nombreux syndicats d'entreprise ont voulu faire cavalier seul, mais sous l'égide de l'UGTA. Intervenant dans le débat, M. Belmiloud, du syndicat de la SNVI, s'est exprimé sur la suspension d'Ahmed Badaoui, en disant qu'elle ne vise pas l'inspecteur divisionnaire, mais le secrétaire général du Syndicat des douanes. « Lorsque nous lisions les motifs ayant justifié la mesure de suspension, Ahmed Badaoui apparaissait comme un terroriste. Il a porté atteinte à l'ordre public, et c'est en vertu du décret portant instauration de l'état d'urgence qu'il a été suspendu. C'est une gifle que les auteurs de cette mesure ont donné à l'UGTA. », a-t-il déclaré. L'orateur a longuement parlé de la nécessité d'une refonte de l'organisation, d'autant, a-t-il expliqué, qu'elle se trouve à la croisée des chemins. « Il faut changer les méthodes de travail et de revendications, et aller vers le congrès avec l'idée du changement profond. » Se voyant obligé de répondre, Sidi Saïd a affirmé que le cas d'Ahmed Badaoui a été pris en charge. « J'ai moi-même écrit au directeur général des douanes, une lettre qui lui a été remise par Abdelali, secrétaire national. Après une discussion de deux heures, le DG nous a demandé un peu de temps. L'annulation de la suspension est une question de temps seulement. S'il y a quelqu'un qui est habilité à le sanctionner, c'est bien moi, et je reste le seul porte-parole de l'UGTA. » Pour sa part, Ahmed Badaoui a tenu à préciser que la Coordination des syndicats d'entreprise, qui reste toujours dans le cadre de l'UGTA, a été créée parce qu'il y a eu absence de communication au niveau des instances intermédiaires de l'UGTA. Il est vite interrompu par Sidi Saïd, qui lui fait remarquer que les raisons de cette situation sont plutôt « le manque de courage de lancer le débat pour les considérations purement matérielles et personnelles qui entrent en jeu. Je ne veux pas d'une équipe et d'un programme, mais d'un débat d'une équipe autour d'un programme d'action afin d'entamer la deuxième phase de l'histoire de l'organisation ». M. Badaoui est revenu à la charge pour expliquer que le véritable problème réside au niveau de l'union de wilaya d'Alger puisque, a-t-il dit, les documents concernant le pacte social ne sont jamais parvenus à la base qui, à ce jour, ne connaît pas le contenu de ce pacte. « Il faut trouver d'autres formes de gestion pour permettre un véritable débat autour des grandes questions de réforme de l'UGTA », a-t-il conclu avant de donner la parole à M. Belhassine, de la Fédération de mécanique, qui a appelé à une action de force à la hauteur de la décision prise contre Ahmed Badaoui. La réunion s'est terminée avec l'engagement de Sidi Saïd à régler définitivement le problème du secrétaire général du SND. Le conseil national de ce syndicat s'est réuni hier et a rendu publique une déclaration dénonçant la mesure de suspension.