Anissa, le militantisme au féminin «Pour aller aux deux marches de la CNDC, il a fallu négocier, rassurer les parents et puis s'entourer d'au moins cinq amis garçons tout au long de la manifestation. Alors oui, le militantisme au féminin en Algérie n'est pas une chose facile», confirme Anissa, 26 ans, pharmacienne, engagée à l'heure actuelle dans plusieurs luttes. Action au sein de l'association le Souk, élément fort du collectif Libérez Mohamed Gharbi, participation à plusieurs réunions du MJIC, travaux autour d'un nouveau projet de militantisme, Anissa ne manque pas d'énergie ni d'idées. Le geste spontané et la parole légère, elle n'en mesure pas moins le sérieux des enjeux que recèlent de telles actions de contestation. «Pour moi, tout a commencé à la fac quand j'ai commencé à m'interroger sur ce qui m'entourait. D'ailleurs, j'ai été déléguée du syndicat des étudiants de pharmacie à l'époque, mais à l'heure actuelle, je ressens un appel à l'action très grand. Avec les gens qui m'entourent, nous sommes déterminés à participer au changement dont tout le monde rêve», explique Anissa. Son envie de s'engager s'est précisée, après le combat pour la libération de Mohamed Gharbi, mais aussi avec la contestation née des émeutes de janvier. Le militantisme avéré vient tout juste de commencer pour elle et ses amis. Ils travaillent en ce moment sur un projet de révolution culturelle. «Il s'agit d'agir sur le quotidien et la réalité par des actions subtiles. Théâtre, musique, événementiel sont les points fort sur lesquels nous voulons travailler pour faire de la politique de façon moins agressive.» Et d'ajouter : «Etre une femme rend le combat plus difficile, mais c'est aussi une force et un moteur pour aboutir au changement. On a plus de légitimité à combattre le manque de libertés, en tant que femmes !» Amine, au cœur des quartiers populaires Le défi, le vrai, est que cette contestation réussisse à toucher les jeunes des quartiers populaires. C'est ce que pense Amine. Et il ne fait pas que le penser, il y travaille ! Initiateur de la page Algérie Pacifique sur facebook (4000 adhérents), Amine Menadi, 29 ans, agent commercial, n'a jamais autant activé de sa vie. Après la phase contestation sur facebook, souvent accusée d'être élitiste, vient celle de la proximité. «Tout a commencé avec la mort du jeune de Bou Ismaïl lors des émeutes du mois dernier. C'était un voisin. J'étais avec les émeutiers et j'ai été choqué par la répression. Le rejet de tout ce qui caractérise l'Algérie d'aujourd'hui, hogra, corruption, désœuvrement…, est remonté à la surface, j'ai donc créé Algérie Pacifique.» Depuis, Amine a fait du chemin, il a rejoint la CNCD, le MJIC et travaille sur le terrain. «La seule idéologie qu'on se permet est celle de la vérité citoyenne», précise-t-il. Il s'agit pour lui et ceux qui le suivent de sensibiliser toutes les tranches de la société. «Depuis quelques semaines, nous travaillons avec des comités de quartier et nous essayons de toucher le plus grand nombre de jeunes qui ne sont pas forcément sur facebook.» Un défi de taille, mais Amine y croit. Pas de place aux doutes quand on est convaincus que le combat à mener est révolutionnaire.
La nouvelle génération vue par un doyen du militantisme Ali Yahia Abdennour, du haut de ses 85 ans, a eu le temps d'assister à l'évolution du militantisme algérien. Président d'honneur de la LADDH et élément fort de la contestation actuelle au sein de la CNCD, il croit en la force de la jeunesse algérienne. Pour lui, «l'avenir appartient aux jeunes et si l'espoir du changement ne se réalise pas dans le contexte actuel d'accélération de l'histoire, c'est l'explosion assurée». Que penser de cette nouvelle génération de militants qui se forme ? «Tous ces jeunes sont mieux formés et plus dynamiques que l'ancienne génération, ils doivent impérativement accéder au pouvoir. Cela dit, il faut que cette jeunesse prenne garde de ne pas adopter une attitude suffisante et prétentieuse et surtout ne pas rester figée sur Internet.» Pour ce doyen du militantisme, il faut que cette nouvelle génération de militants qui se forme et se mette en contact avec les jeunes de l'Algérie rurale. «Leurs méthodes novatrices aident, mais elles ne peuvent pas fonder la révolution tant que tous ces groupes qui se forment ne s'associent pas en cassant les barrières des affinités», précise-t-il. Il s'agit également, selon lui, de ne pas se laisser entraîner dans le système et de garder comme idée forte de contestation le changement de régime et non le changement dans le régime. Quant à la jonction entre l'ancienne et la nouvelle génération, le plus dur est justement, selon lui, de «réparer la fracture, notamment en laissant le pouvoir aux jeunes». «Les vieux peuvent conseiller, mais ils doivent se retirer de la prise de décision», précise-t-il.