Depuis l'année 2001, les chauffeurs de taxi, individuels et collectifs, sont devenus la cible privilégiée de groupes de bandits, organisés en réseaux, à travers la wilaya de Tizi Ouzou. « Durant l'année 2004, notre corporation a enregistré une dizaine d'assassinats de nos collègues, chauffeurs de taxi, une vingtaine d'agressions à l'arme blanche et une autre dizaine de vols de voitures », ont indiqué des membres de la section syndicale locale de l'Union nationale des chauffeurs de taxi (UNACT) de la wilaya de Tizi Ouzou. Ce bilan est loin d'être exhaustif, car certaines victimes ne déposent pas de plainte au niveau des services de sécurité par peur de représailles, précise-t-on. Mais cette situation sonne comme un signal d'alarme chez ces professionnels du transport de voyageurs qui affirment que leurs conditions de travail se dégradent de jour en jour. Ce sont, particulièrement, les chauffeurs de taxi individuel qui sont directement exposés à tous les dangers : meurtres et vols de véhicules. A la station de taxis individuels de Draâ Ben Khedda (à 10 km à l'est de la ville de Tizi Ouzou), des taximen témoignent de leur calvaire. Slimane, un vieux routier, a été délesté de sa voiture, il y a, à peine trois mois, sur l'une des routes reliant DBK à Tirmitine. Comme trois autres de ses collègues qui ont perdu leur voiture durant la même période, Slimane a failli perdre la vie dans un endroit peu fréquenté par les automobilistes en raison de la recrudescence du banditisme, ces derniers temps. Si pour certains, les événements remontent à loin, les mauvais souvenirs de leurs mésaventures sont intacts et les hantent toujours. Mohamed, la cinquantaine, se rappelle du moindre détail du cauchemar qu'il a vécu, il y a quatre ans à Si Mustapha, dans la wilaya de Boumerdès. « C'était un après-midi en juillet 2001 lorsque deux individus, jeunes et bien habillés, sont venus me demander de les emmener à Si Mustapha... Sur le chemin, ils m'ont indiqué une maison qui se trouvait sur une piste non encore bitumée. Celui qui était assis au siège arrière a tenté de m'étrangler, alors que le deuxième m'a asséné deux coups de couteau dans ma jambe gauche avant de prendre la fuite avec mon véhicule. Depuis, je suis au chômage », témoigne-t-il. Et d'ajouter que beaucoup de ses collègues aient succombé à leurs blessures, retrouvés morts sur la route ou dans une forêt limitrophe. Mais les déboires du malheureux chauffeur ne s'arrêtent pas là. Ayant assuré sa voiture contre le vol et les incendies, il a demandé une indemnisation que son organisme assureur ne voulait pas lui accorder, prétextant qu'il s'agissait d'un acte terroriste, se plaint-il. Son affaire est soumise à l'arbitrage de la justice qui a tranché en sa faveur. Mais l'organisme mis en cause a fait cassation. Certains gangs sont secondés par des femmes, histoire de mettre en confiance leurs victimes. Ces agressions à répétition ont poussé la plupart des chauffeurs de taxi individuels à terminer leurs heures de travail à 17 h. D'autres ont carrément changé de profession. Ceux qui refusent de transporter un client, par crainte d'être agressés sur la route, se voient insultés, parfois même tabassés. Au chef-lieu de la commune de Tizi Ouzou, où les syndicalistes de l'UNCAT avancent un chiffre de plus de 2300 taxis sur un total de 4800 à travers toute la wilaya, le constat est le même. Les chauffeurs des différentes stations, principalement celles situées en face de la gare routière et de la maison de l'artisanat au centre-ville, affirment être livrés à eux-mêmes. Ils déclarent travailler dans une permanente insécurité. Ils dénoncent, unanimement, « l'absence des services de l'ordre pour nous assurer un minimum de sécurité, car les agresseurs agissent de jour comme de nuit ». Leur syndicat met à l'index la direction des transports de la wilaya. « Cette administration refuse de répondre favorablement à nos doléances, pour mieux prendre en charge nos problèmes et assurer une meilleure organisation de notre corporation. » Au niveau de la station jouxtant la maison de l'artisanat du centre-ville de Tizi Ouzou, les chauffeurs interrogés déclarent avoir perdu quatre de leurs collègues en l'espace de deux années. Ces derniers ont été sauvagement assassinés à Sidi Naâmane, à Bordj Menaïel, à Tigzirt et sur la RN 12, près de Béjaïa. « Mais aucun responsable des services concernés ne se sent concerné par nos difficultés », dénonce Khaled. Notre interlocuteur souligne que ce métier est devenu trop risqué. Les chauffeurs se déclarent incapables d'assurer, à la fois, l'entretien de leur véhicule et les besoins quotidiens de leur famille. Notons que devant les risques encouru et la concurrence déloyale d'un grand nombre de taxis clandestins qui travaillent en toute quiétude, les chauffeurs de taxi à Tizi Ouzou affichent une réelle volonté de s'organiser autour de leur syndicat pour défendre leurs droits légitimes.