Habituellement très peu prolixe, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, enchaîne l'une derrière l'autre les interventions dans les médias étrangers. Objectif visé ? Rassurer l'opinion internationale, minimiser l'importance du mouvement de contestation qui caractérise depuis plusieurs semaines la scène politique nationale et battre en brèche les informations évoquant un possible départ du chef de l'Etat avant la fin de son mandat. Dans une déclaration accordée le 7 mars à l'agence financière américaine Dow Jones, le chef de la diplomatie algérienne a très clairement fait savoir que «le président Abdelaziz Bouteflika n'a pas l'intention de partir avant 2014 (date de la fin de son mandat, ndlr)». Pour Mourad Medelci la question ne se pose pas, d'autant plus que le chef de l'Etat a été élu avec une «majorité écrasante» et qu'il jouit d'une «excellente santé». Pas de mandat à vie Néanmoins, celui-ci a exclu l'idée que le premier magistrat du pays s'offre un mandat à vie.Autre message important délivré par le ministre des Affaires étrangères et qui semble, par contre, être beaucoup plus destiné à l'opinion interne : le président de la République ne compte pas non plus partir en raison de pressions politiques. Autrement dit, il ne cédera pas aux pressions politiques. Il n'est pas nécessaire d'aller chercher très loin pour savoir que celui-ci est adressé aux animateurs de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) qui font du «départ de Abdelaziz Bouteflika et du changement du système» leur principal cheval de bataille. Mise sur pied le 21 janvier dernier à Alger à l'initiative de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme (LADDH - version Me Mustapha Bouchachi), cette organisation rassemble des partis politiques, des syndicats autonomes et ainsi que des organisations de la société civile. La sortie musclée du ministre des Affaires étrangères et l'assurance dont il a fait preuve dans l'entretien accordé à l'agence financière américaine Dow Jones accréditent l'idée que le chef de l'Etat dispose encore «d'atouts dans son jeu». Le plus important consiste encore pour lui à bénéficier du soutien de la France et des Etats-Unis. Les visites récentes à Alger de l'ancien Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, et du coordinateur de la lutte contre le terrorisme au département d'Etat américain, Daniel Benjamin, sont interprétées par de nombreux observateurs politiques comme tel. L'inquiétude occidentale Toujours au plan des faits, force est de constater aussi qu'en dehors des appels au respect des droits de l'homme et à l'approfondissement des réformes politiques, Washington et Paris ont, jusque-là, tenu des discours caractérisés par une certaine retenue. Surtout après la tournure prise par les événements en Libye. Le printemps arabe a-t-il sauvé le président Bouteflika ? Rien n'interdit de le penser. Le contexte régional marqué par la crise en Libye, un regain d'activité terroriste et l'instabilité politique et sociale qui règne en Tunisie et en Egypte paraissent, en tout cas, plaider en faveur d'une Algérie stable. Inutile de dire que la perspective d'un élargissement de la «crise» à l'Algérie ou au Maroc inquiète actuellement au plus haut point Bruxelles et Washington. D'où, peut-être, la position du «soutien critique» adopté à l'égard de Abdelaziz Bouteflika. A préciser que cette nouvelle sortie de Mourad Medelci contredit quelque peu celle effectuée le 27 février dernier, durant laquelle il avait suggéré que le Président pourrait partir avant 2014 dans la mesure où il avait atteint ses objectifs. Dans un entretien accordé à l'émission Public Sénat, animée par Jean-Pierre El Kabach, M. Medelci s'était fait un devoir, en effet, de rappeler que M. Bouteflika avait deux objectifs à son arrivée au pouvoir en 1999, à savoir ramener la paix et la réconciliation nationale et remettre l'Algérie sur le chemin de la croissance. «Ces objectifs sont atteints et le Président, quelle que soit la date à laquelle sera terminé son mandat, aura fait son parcours. Il nous appartient maintenant d'aller vers la relève, tous, les uns et les autres», avait-il dit. Ce petit recentrage dans le discours de Medelci pourrait justement confirmer l'idée que le rapport de force a quelque peu changé.