L'Algérie est l'un des rares pays de la région de l'Afrique du Nord à être absent sur le terrain de l'humanitaire en Libye où les forces d'El Gueddafi commettent des massacres contre les civils. C'est du moins ce que constate le président de l‘Association algérienne d'aide humanitaire, Smaïl Hariti, qui revient bredouille d'une tentative d'accéder en terre libyenne pour y secourir les civils. «Je déplore le fait que l'Algérie n'a rien fait pour venir en aide au peuple libyen frère et opprimé», accuse-t-il. Il affirme avoir été reçu par un membre de la direction du Croissant Rouge algérien (CRA) pour «coordonner nos efforts d'aide à nos frères libyens et qu'un accord de principe a été donné». Mais depuis, l'association n'a rien vu venir, alors «d'autres associations arabes et internationales se sont demandées pourquoi l'Algérie est absente sur le terrain, à Benghazi». Smaïl Hariti en veut d'autant plus au CRA que «les Qataris, les Turcs, les Egyptiens, les Tunisiens et bien sûr les ONG humanitaires mondiales ont opportunément occupé le terrain». Pis encore, notre interlocuteur souligne que le Croissant Rouge est présent uniquement à la frontière tuniso-libyenne, au niveau de Ras Jedir où «il n' y a actuellement pas grand chose à faire pour justifier un tel déploiement». Pour Hariti, «c'est à l'intérieur de la Libye que le besoin se fait ressentir en matière de prise en charge médicale. Je ne comprends pas le pourquoi de cette absence d'autant plus que l'Algérie dispose d'éminents médecins qui peuvent servir en pareilles circonstances», affirme encore Smaïl Hariti. Et de citer l'exemple du Dr Abed Khouidemi qui a fait ses preuves lors de l'invasion de Ghaza en 2009 et qui est sollicité par diverses associations humanitaires internationales, «pendant que les autorités algériennes lui tournent le dos». Le président de l'Association algérienne d'aide humanitaire, regrette qu'il n'y est «aucune présence algérienne en Libye en matière d'aide humanitaire». Il se demande si les autorités algériennes ne sont pas en train de «laisser le peuple libyen se faire massacrer ?». Smaïl Hariti franchit allégrement la frontière entre l'humanitaire et la politique en affirmant qu'on «ne doit en aucun cas politiser l'aide humanitaire» dans une allusion évidente à la décision vague du gouvernement algérien à l'égard de ce qui se passe en Libye. Solidarité à deux vitesses Soutien politique à El Gueddafi ? Smaïl Hariti, qui dirige également Amel El Ouma des études stratégiques, note que l'Algérie n'a organisé aucune «chaîne de solidarité nationale en faveur de nos frères libyens, comme elle a l'a bien fait pour les peuples sahraoui et palestinien». Et d'asséner qu'en matière d'aide humanitaire, «on ne doit pas pratiquer la politique de deux poids, deux mesures à travers une solidarité à deux vitesses». En désespoir de cause, Smaïil Hariti et son association lancent un appel «pressant à toutes les bonnes volontés, les institutions, à leur tête le Croissant-Rouge et les associations caritatives, à coordonner nos efforts et créer une cellule de crise pour venir en aide et accéder ainsi au vœu de nombreux Algériens qui veulent apporter leurs aides». Il rassure que son association souhaite seulement «canaliser cette aide afin qu'elle réponde aux cris et la souffrance du peuple libyen, causée par le régime oppresseur d'El Gueddafi». Mais cet appel ne risque pas d'avoir d'écho. L'association, qui a été créée voilà trois années, n'a toujours pas reçu le feu vert des autorités. La wilaya d'Alger refuse de l'agréer au prétexte que sa dénomination «ne correspond pas à ses objectifs» ou encore que certains de ses objectifs «relèvent des compétences des ministères». Comme si une ONG devait revêtir forcément un cachet officiel, comme les scouts et la fameuse commission faussement indépendante des droits de l'homme de Farouk Ksentini.