Quelque 20 000 commerçants légaux ont basculé vers l'informel. Ce chiffre ne concerne pour l'instant que la seule ville d'Alger. A coup sûr, ce premier contingent des victimes de la politique économique du pays sera suivi de beaucoup d'autres «transfuges» excédés par les largesses de l'Etat accordées aux barons de l'informel et à leurs petits détaillants squatteurs des lieux publics. Le recul du Premier ministre concernant l'application des mesures décidées quant à l'utilisation du chèque comme mode de payement et l'obligation de l'établissement de factures dans toute transaction commerciale est perçue dans le milieu des commerçants aussi bien que des producteurs, comme un encouragement à l'économie parasitaire et un cinglant camouflet aux réels acteurs économiques respectueux des réglementations en vigueur et surtout créateurs de richesses. Il va sans dire que la concurrence déloyale ne se limite pas uniquement au stade de la vente mais tend à déstabiliser jusqu'à la structure de production, somme toute fragile, des entreprises nationales, particulièrement celle du secteur du textile. L'ire des commerçants en fronde ne se limitera pas au squat des trottoirs comme le font leurs rivaux. Il est d'ores et déjà question de sit-in et d'autres formes de contestation prévus à travers tout le territoire national. La paix sociale garante de la pérennité du pouvoir n'a pas de prix tant l'argent vient du contribuable. Une telle option politique ne lésine pas sur les moyens et ne s'embarrasse pas de reniements. C'est un vrai coup de pouce inespéré pour la relance de l'informel qui se voyait un temps soit peu remis en cause. La réalisation des marchés couverts de proximité, le lancement de locaux commerciaux dits du Président, la tentative d'imposer le chèque et la facturation dans toutes les transactions commerciales et les coups de boutoir des services de sécurité pour déloger les trabendistes ont vite fait de fâcher les barons de l'importation, qui déclenchèrent alors leur révolte par procuration. Le retour en force de l'informel, que des spécialistes situent à quelque 60% de l'économie nationale, n'est donc pas le fruit du hasard. Il est le résultat de calculs hautement précis avec lesquels les parties prenantes préservent leurs parts et même les font fructifier. La révolte des légaux, elle, aura-t-elle un coup de pouce ?