Elle fait incursion à l'hôtel Rixos à Tripoli appelant les journalistes à l'aide. Dans le restaurant, à l'heure du petit-déjeuner, elle ouvre son manteau et montre des ecchymoses et des cicatrices sur ses cuisses, affirmant avoir été torturée et violée par des hommes du régime. Les journalistes brandissent leurs caméras, appareils photos et bloc-notes pour prendre ce témoignage inédit. Mais l'intervention des agents de sécurité, omniprésents à l'hôtel, est brutale. Des journalistes malmenés, une caméra d'une chaîne occidentale endommagée et des téléphones portables arrachés. Larmes aux yeux, la jeune femme dit avoir été torturée et violée à «plusieurs reprises» par les «Kataeb (bataillons) d'El Gueddhafi». Se présentant comme l'iman Al-Obeidi, elle dit avoir été arrêtée à un check-point de Tripoli parce qu'elle était originaire de Benghazi, ville rebelle à l'est du pays, abritant le quartier général de l'opposition depuis un mois. «Ils m'ont ligotée les mains et ont abusé de moi durant deux jours», ajoute-t-elle, montrant des contusions sur ses poignets. «Filmez, filmez, montrez au monde tout ce qu'ils m'ont fait», a-t-elle lancé en direction des journalistes, au moment où les agents de sécurité tentaient de l'extirper vers l'extérieur. Emmenée vers le parking de l'hôtel, un journaliste lui pose la question : «Où ils t'emmènent ?» «A la prison», dit-elle, avant d'être embarquée de force dans une voiture. Un membre des services de sécurité affirme qu'elle sera hospitalisée. «C'est une folle», dit-il. «Elle est ivre. Vous n'avez pas senti l'odeur de l'alcool» lance un autre par la suite. La tension était palpable, peu après, au cours d'une conférence de presse. Le vice-ministre des Affaires étrangères est venu dénoncer le «soutien» des forces de la coalition internationale aux rebelles, qui a permis samedi aux insurgés de reprendre le contrôle de la ville d'Ajdabiya. Mais les journalistes n'avaient qu'un seul souci : quel sort sera réservé à la jeune femme ? Esquivant les questions sur ce «cas», il a affirmé qu'il n'avait pas assez d'éléments sur l' «incident», assurant que la femme allait être «traitée conformément à la loi». «D'après les premiers éléments de l'enquête, «la femme était ivre», lance peu après Moussa Ibrahim, un porte-parole du régime. «Elle a été emmenée dans un hôpital pour s'assurer de ses capacités mentales», ajoute-t-il sous le regard stupéfait des journalistes. «Soyez professionnels. Pourquoi vous intéressez-vous au seul cas de cette femme, alors qu'il y a des centaines qui ont besoin de votre attention ?» déplore M. Ibrahim, visiblement gêné. Et quand les journalistes expliquent qu'ils ne disposaient pas de liberté de mouvement pour rencontrer d'autres cas, il répond : «C'est pour votre sécurité. Les gens sont en colère après les raids étrangers et peuvent menacer votre sécurité.» «Nous sommes en train de vérifier qui est-elle, qui est sa famille et si on a vraiment abusé d'elle ou s'agit-il simplement de fantaisie», ajoute-t-il, affirmant que «l'intégrité physique» de la femme sera assurée. Les journalistes sont cantonnés la plupart du temps à l'hôtel Rixos par le pouvoir libyen. Aucune sortie n'est permise sans l'accord des autorités et sans la compagnie d'un officiel. Les taxis qui osent transporter des journalistes souhaitant s'aventurer seuls en dehors de l'hôtel risquent la prison. «C'est la loi. Le chauffeur doit avoir une autorisation préalable. C'est pour votre sécurité», répète M. Ibrahim.