De par ses nombreuses spécialités médicales, dont certaines sont inexistantes dans l'ensemble des régions de l'est du pays, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Annaba rayonne sur plusieurs régions de l'extrême est du pays. Dans certaines spécialités médicales de pointe, il a en charge la couverture sanitaire d'une population de plus de 3 millions d'âmes (6 wilayas). En période estivale ce chiffre passe au double. Vingt ans après, le premier projet mort-né de réalisation d'un centre hospitalo-universitaire, le CHU de Annaba exploite toujours ses infrastructures héritées de la période coloniale. Ces infrastructures représentent aujourd'hui beaucoup plus de risques pour les malades et le personnel. De Annaba aux villes et localités les plus reculées de nos frontières est jusqu'à Touggourt via Constantine, Batna, Skikda, ses diverses spécialités médicales et ses services d'urgence sont sollicités. Ce qui entraîne une surcharge de ses capacités d'accueil, au point où 2 malades occupent un seul lit. La réforme hospitalière largement médiatisée semble ne pas atteindre cette institution et rend illusoire la préservation de la qualité des soins et l'adaptation de cette dernière aux besoins des populations. La politique d'aménagement, avec partage équitable des ressources en fonction de la demande des régions n'est pas appliquée. La situation actuelle a atteint le point de non retour. La fermeture, depuis 3 ans, du pavillon pneumo femme de l'hôpital Dorban du CHU de Annaba ressemble à une bombe lancée dans l'hôpital. Avec force détails, praticiens et personnel paramédical démontrent pourquoi le système existant favorise l'afflux des malades vers leurs structures respectives, entraînant de ce fait des altercations, remarques désobligeantes et agressions dont se rendent auteurs des malades ou leurs accompagnateurs impatients ou affolés. Les équipements et matériels médicaux sophistiqués très onéreux (scanners, échographe, échodopllers...) sont surexploités. Ils se dégradent rapidement alors que les effectifs sont gagnés par l'épuisement. « 44 ans après l'indépendance, nous sommes toujours à chercher à parer au plus pressé. Les extensions effectuées sur les ruines des anciennes infrastructures de la période coloniale ne répondent plus. Le CHU, ses structures hospitalières, cliniques et celles du secteur sanitaire de la wilaya rayonnent sur plusieurs régions de l'est du pays. On vient de partout. Nous ne pouvons en aucun cas refuser la prise en charge d'un malade. La restructuration du système de santé actuelle est impérative. La situation empire en été. Plus que jamais, s'impose la réalisation d'un CHU, centre des urgences et spécialisés plus adaptés aux besoins des populations » avoue Abdelatif M. un des plus anciens agents paramédicaux. Pour tous les animateurs des unités hospitalières et cliniques du CHU, l'heure n'est plus à chercher comment préserver ce qui existe. Selon eux, s'impose plus que jamais la réalisation d'un CHU avec des plateaux techniques plus adaptés et des structures spécialisées dans différentes pathologies (centre anticancéreux, hôpital des urgences). Pourtant, la réalisation de ces dernières infrastructures a été inscrite depuis des années. Inexplicablement et malgré la disponibilité des terrains d'assiette, les travaux tardent à être lancés. Le système d'affectation libre des médecins et des professionnels de santé est un autre problème. Censées être destinées à réduire les dépenses de santé et préserver la qualité des soins, les infrastructures existantes sont très dispersées, vétustes et d'une grande exiguïté. Créé en 1986 sur les ruines d'une structure de santé militaire de guerre de l'armée coloniale, le CHU de Annaba est composé de 3 unités hospitalières (Ibn Rochd, Ibn Sina et Dorban) et de 4 cliniques (ophtalmologie, pédiatrie et de 2 chirurgies dentaires). Bien qu'elles aient connu plusieurs opérations d'extension, elles ne répondent plus aux besoins des populations. Multiples contraintes Cette situation que caractérisent des contraintes multiples perturbe en profondeur les activités des services médicaux, paramédicaux, de formation et la recherche médicale. Elles rendent utopique toute possibilité de création d'autres spécialités médicales comme la chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire, pédiatrique, maxillo-faciale, réparatrice, rhumatologie, rééducation, fonctionnelle et psychiatrique. L'absence de plateaux techniques destinés à l'immunologie, la parasitologie, la toxicologie et la pharmacie galénique aggrave la situation. La politique appliquée en matière d'humanisation des hôpitaux et l'amélioration des conditions de séjour des malades est masquée par l'absence d'une réelle politique de développement des capacités d'accueil. Ces dernières années, le CHU de Annaba vit un quasi désert sanitaire. Pourtant, en termes de rentabilité, c'est l'une des institutions sanitaires d'Algérie parmi les plus rentables tant en matière de prises en charge médicale que dans de formation. L'autre contrainte et non des moindres réside dans la tendance des médecins généralistes de plusieurs régions à orienter leurs patients dans le besoin d'une intervention spécialisée vers le CHU de Annaba dont l'offre en spécialités médicales attire la demande. Certains services médicaux accueillent des malades en provenance des contrées les plus lointaines du pays. Si en ce qui concerne la prise en charge des malades dans différentes spécialités médicales le point de non retour a été atteint depuis longtemps et pour ce qui est de l'oncologie, la situation est véritablement alarmante. En 2000, une étude établie par le docteur Bachtarzi et Cololgie laissait apparaître une augmentation très perceptible des cas de cancer dans la wilaya de Annaba. Ces 2 spécialistes de l'épidémiologie ont estimé une incidence globale, toutes localisations confondues, à 20,1 pour 100 000 habitants de sexe masculin et à 16,5 pour 100 000 habitants de sexe féminin. Dans cette étude, il est précisé que les cancers prévalant sont le cancer broncho-pulmonaire (18,2%) pour les hommes et le cancer du sein (29,6%) pour les femmes. Se référant à des statistiques de l'Organisation mondiale de la santé pour l'Algérie, les initiateurs de l'étude ont affirmé que les besoins de soin en oncologie qui étaient de 750 à 800 cas sont appelés à doubler dans les prochaines années. Cette situation explique l'impatience des praticiens et responsables du CHU de Annaba à voir lancer les travaux de réalisation du Centre anticancéreux (CAC). D'une capacité de 120 lits, le CAC, dont l'assiette de terrain est à l'intérieur de l'enceinte du CHU de Annaba, aura entre autres missions, les soins, la formation, la recherche, la prévention et le dépistage. La faisabilité de pareille projet est argumentée par l'implantation géographique du CHU de Annaba, la densité démographique des 5 wilayas limitrophes recourant à ses services, la forte demande en soins des malades et le développement des facteurs favorisant, dont la maîtrise suscite une intervention multisectorielle. « A ce jour, les cancéreux de Annaba et les 5 wilayas voisines sont en majorité orientés vers les CAC de Constantine, Blida et Alger. L'éloignement et l'absence de moyens financiers imposent à bon nombre de cancéreux d'abandonner les soins aux résultats incertains pour décéder loin des structures de soins conçues à cet effet », a indiqué Abdelatif spécialiste en oncologie. Humaniser les structures L'exiguïté des locaux, la vétusté et la saturation d'équipements et des effectifs sont également pour beaucoup dans l'absence de maîtrise des activités des services des urgences médicales du CHU de Annaba. Malgré la multiplication des points de gardes disséminés un peu partout dans le périmètre des communes de la wilaya, la prise en charge des urgences médicochirurgicales reste des attentes de nombreux malades. Les contraintes sont énormes avec en tête de liste le décalage entre les capacités physiques de l'établissement et la demande considérable en soins hospitaliers. Pour l'ensemble des praticiens du CHU, la réunification des 14 points d'urgence en un centre unique et intégré des urgences (toutes spécialités confondues) est impérative. Le principe de la réalisation d'un centre des urgences médicales a été depuis longtemps retenu. Comme le centre anti-cancéreux, il est dans l'attente d'une décision du ministère et, plus important, dans la désignation d'une assiette de terrain. A Annaba, nombreux sont ceux qui affirment que des efforts considérables ont été consentis ces dernières années pour l'humanisation des structures hospitalières et leur dotation en équipements médicaux de dernière technologie ou leurs aménagements tels les laboratoires d'anatomie pathologique, bactériologique, biochimique et d'hématologie. Les derniers aménagements en date portent sur la réalisation d'une structure destinée à la mise en place d'un scanner de dernière génération et à la normalisation et la réfection du bloc opératoire de la maternité. Malgré les multiples contraintes dont les plus importantes restent l'exiguïté et la vétusté des infrastructures existantes, les praticiens et le personnel paramédical affirment qu'avec ses services des grands brûlés, de chirurgie dentaire et d'ORL, le CHU de Annaba a atteint le niveau international dans la prise en charge médicale. Cependant, dans cette institution, l'on n'hésite pas à dénoncer la situation du service neurologie de l'hôpital Ibn Sina dont les activités sont à la limite du tolérable