L'extrême droite gagne du terrain dans toute l'Europe, jusques et y compris dans les anciennes Républiques socialistes, où, croyait-on, dominait une idéologie tout à fait opposée. Dans des pays comme l'Autriche, l'extrême droite a même accédé à la plus haute fonction, suscitant une vague de réprobation à travers l'Europe pour défendre les valeurs républicaines, disait-on, alors même que les frontières idéologiques tendaient à s'estomper. Depuis quelques années, l'Europe n'arrive plus à montrer quelque émotion tant la chose tend à se banaliser. Est-ce que cela est dû à la crise économique ou, plus simplement, à l'essoufflement de la classe politique traditionnelle, usée par l'exercice du pouvoir et par son incapacité à défendre les valeurs qu'elle revendique ? La proximité est devenue bien réelle depuis quelques années et on a même entendu un ancien Premier ministre français dire que le FN posait les bonnes questions. Rien que cela et, bien entendu, de tels propos crédibilisent ce parti d'extrême droite. La montée du chômage aidant, ce parti, tout autant que dans le reste de l'Europe, allait se renforcer même si cela ne se traduit pas en termes d'élus. Comme c'est le cas pour les élections cantonales qui viennent de se dérouler en France, marquées par une déroute du parti au pouvoir mais une progression en voix du parti d'extrême droite. Et ces voix, estimaient hier les différents analystes, qui ne proviennent que des reports et aussi de la forte abstention qui a joué en sa faveur, pénalisant et même sanctionnant les partis traditionnels, principalement l'UMP, le parti présidentiel. Les mêmes analystes en étaient hier à considérer que des gens de gauche ont voté pour le Front national, affirmant même que la tendance n'est pas nouvelle, puisque, selon eux, «on voyait déjà des transferts de gauche vers le FN dans les cantonales de 2004». Voilà donc un débat de spécialistes, avec des conclusions qu'il ne serait pas excessif de dire qu'elles sont dangereuses. Il s'agit de ce qu'on appelle la banalisation induite par les transferts de voix et qui consiste à considérer le FN comme un parti comme les autres. «On doit être plus qu'attentif sur cette banalisation d'un vote d'extrême droite», a réagi hier le ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, François Baroin, appelant à «mettre un terme à tous ces débats» sur l'Islam et la laïcité, pourtant initiés par le parti majoritaire UMP et sans rapport avec les préoccupations des Français qui, elles, sont éminemment économiques. Beaucoup pensent même que les débats en question ne sont qu'une simple diversion pour tenter de masquer l'échec d'une politique. Il reste que ce débat, et tant d'autres, sont les sujets favoris de l'extrême droite non seulement en France, mais dans toute l'Europe, avec un fort sentiment de racisme et de xénophobie. Cela n'a pas pour autant empêché des hommes politiques d'y puiser et même de vouloir le récupérer. Cela a toujours été une pâle copie. S'il n'y avait que cela, car de tels discours renforcent l'extrême droite exhibée comme un épouvantail à chaque échéance électorale. Où qu'elles se produisent, l'apparition et le développement d'idées d'extrême droite ne sont que la conséquence de l'échec de la classe politique dite traditionnelle à répondre elle-même aux bonnes questions et à les anticiper. Elle est là pour cela. Mais à une seule condition : ne pas se tromper au sujet des bonnes questions. Il y a des erreurs à ne plus commettre. L'Europe, qui est concernée, sait où cela peut mener.